
AFP/BERTRAND LANGLOIS
Les enregistrements de Mme Bettencourt publiés au compte-gouttes révèlent conflits d'intérêts, évasions fiscales et lien direct entre le parquet et le pouvoir.
Affaire Bettencourt : les enregistrements qui accusent
LEMONDE.FR | 29.06.10 | 20h21 • Mis à jour le 29.06.10 | 23h05

epuis dix jours, les cadres du gouvernement et de l'UMP se relaient, dans les médias, pour prendre la défense d'Eric Woerth, ministre du travail, emporté par les multiples affaires Bettencourt. La publication d'écoutes illégales, par Mediapart, révèle des conversations entre Liliane Bettencourt, héritière de L'Oréal, et ses "conseillers" fiscaux et juridiques. Ces échanges mettent à mal la ligne de défense du gouvernement, qui néanmoins poursuit son tir de barrage médiatique. Extraits des enregistrements.
Le 27 octobre 2009, lors d'une conversation entre Liliane Bettencourt et Patrice de Maistre, le gestionnaire de la fortune de l'héritière, le nom d'Eric Woerth est cité. Il est alors question de construire un auditorium André-Bettencourt au sein de l'Institut de France. Le gestionnaire souligne sa proximité avec le ministre et le rôle que ce dernier a joué : "Ils ont obtenu un bâtiment de l'hôtel de la Monnaie, qui est derrière l'Institut. Et ça, c'est mon ami Eric Woerth, dont la femme travaille pour nous, qui s'en est occupé. Et maintenant, il faut faire des travaux pour faire un auditorium […]. Ça va être sensationnel. […] Là, vous vous engagez pour donner au maximum 10 millions. […] J'ai demandé au ministre Eric Woerth, qui est un ami, d'être là, parce que c'est grâce à lui qu'il y a eu l'hôtel de la Monnaie." Le ministre du budget apparaît dans un rôle de faciliteur.
Deux jours plus tard, le 29 octobre, Patrice de Maistre assure à Liliane Bettencourt qu'il fait avancer le projet d'auditorium : "J'ai fait venir le ministre Eric Woerth", lui déclare-t-il. "Qui c'est celui-là ?", questionne-t-elle. Patrice de Maistre répond : "Alors, c'est le mari de Mme Woerth que vous employez, qui est l'une de mes collaboratrices, qui n'est pas très grande… Mais lui est très sympathique et c'est notre ministre du budget. Et c'est lui qui a permis à l'Institut de récupérer le bâtiment dans lequel on va faire l'auditorium. Il est très sympathique et en plus c'est lui qui s'occupe de vos impôts donc je trouve que ce n'était pas idiot."
"J'ai vu les chèques dont il est question. Il n'y a aucun problème, a précisé au Journal du Dimanche MePascal Wihlem, avocat de Patrice de Maistre. "Mme Bettencourt a bien aidé Valérie Pécresse et Eric Woerth à hauteur de 7 500 euros chacun, soit les montants plafonnés par la loi… Et il n'y a pas de financement de Nicolas Sarkozy. Il y a juste un don à l'UMP, comme Mme Bettencourt ne s'en est jamais cachée."
Une conversation du 27 octobre fait état de la recherche d'une solution d'évasion pour les avoirs non déclarés de Liliane Bettencourt. Patrice de Maistre s'inquiète des exigences de transparence de la France vis-à-vis des paradis fiscaux : "A partir de janvier – c'est M. Woerth qui a fait la loi –, la France peut demander aux Suisses si vous avez un compte là-bas. Je suis en train de m'en occuper et de mettre un compte à Singapour. Parce qu'à Singapour, ils ne peuvent rien demander." Il s'agit alors d'évacuer 12 à 13 millions d'euros.
Le 29 octobre, Patrice de Maistre annonce à Liliane Bettencourt qu'elle dispose d'un second compte suisse doté de 65 millions d'euros, non déclaré, et qu'il va falloir également le sortir discrètement : "Je suis en train d'organiser le fait de l'envoyer dans un autre pays, qui sera Hongkong, Singapour ou en Uruguay. […] Comme ça, vous serez tranquille. Je pense que c'est bien, ça vous laisse votre liberté. Si on ramène cet argent en France, ça va être très compliqué."
Le 23 octobre, Patrice de Maistre indique à Liliane Bettencourt qu'elle devrait récupérer "officiellement son île", "quitte à payer des impôts" : "Pour votre image, je n'ai pas du tout envie que l'on dise que MmeBettencourt a une île par le biais d'une société au Liechtenstein et d'une fondation, dans VSD ou j'sais pas quoi. […] Vous pourrez la donner à qui vous voulez officiellement, mais personne ne pourra venir vous faire chanter. En ce moment… Il ne faut pas qu'à cause de ça on puisse venir vous embêter, vous voyez. Cela ne coûterait pas très cher en impôts. La seule crainte que j'ai, c'est que je ne veux pas réveiller le tigre qui dort. C'est-à-dire qu'il ne faut pas qu'il y ait des conséquences à cela." Le tigre qui dort ressemble à s'y méprendre au fisc français. "J'ai peur que le fisc tire un fil", explique le 29 octobre Patrice de Maistre. Pour dérouler quelle pelote ?
Le 21 juillet, Patrice de Maistre annonce qu'il reçoit directement de l'Elysée les décisions qui doivent être annoncées par le procureur de Nanterre, Philippe Courroye, douze jours plus tard. Son informateur serait un conseiller juridique de l'Elysée. "Il m'a dit que le procureur Courroye allait annoncer le 3 septembre, normalement, que la demande de votre fille était irrecevable. Donc classer l'affaire. Mais, précise-t-il, il ne faut le dire à personne, cette fois-ci."
- Eric Woerth aurait facilité la construction d'un auditorium André-Bettencourt au sein de l'Institut de France
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Deux jours plus tard, le 29 octobre, Patrice de Maistre assure à Liliane Bettencourt qu'il fait avancer le projet d'auditorium : "J'ai fait venir le ministre Eric Woerth", lui déclare-t-il. "Qui c'est celui-là ?", questionne-t-elle. Patrice de Maistre répond : "Alors, c'est le mari de Mme Woerth que vous employez, qui est l'une de mes collaboratrices, qui n'est pas très grande… Mais lui est très sympathique et c'est notre ministre du budget. Et c'est lui qui a permis à l'Institut de récupérer le bâtiment dans lequel on va faire l'auditorium. Il est très sympathique et en plus c'est lui qui s'occupe de vos impôts donc je trouve que ce n'était pas idiot."
- Eric Woerth aurait fait embaucher sa femme dans la société Clymène
- Liliane Bettencourt aurait signé trois chèques pour l'UMP
"J'ai vu les chèques dont il est question. Il n'y a aucun problème, a précisé au Journal du Dimanche MePascal Wihlem, avocat de Patrice de Maistre. "Mme Bettencourt a bien aidé Valérie Pécresse et Eric Woerth à hauteur de 7 500 euros chacun, soit les montants plafonnés par la loi… Et il n'y a pas de financement de Nicolas Sarkozy. Il y a juste un don à l'UMP, comme Mme Bettencourt ne s'en est jamais cachée."
- La première fortune de France aurait cherché à échapper au fisc
Une conversation du 27 octobre fait état de la recherche d'une solution d'évasion pour les avoirs non déclarés de Liliane Bettencourt. Patrice de Maistre s'inquiète des exigences de transparence de la France vis-à-vis des paradis fiscaux : "A partir de janvier – c'est M. Woerth qui a fait la loi –, la France peut demander aux Suisses si vous avez un compte là-bas. Je suis en train de m'en occuper et de mettre un compte à Singapour. Parce qu'à Singapour, ils ne peuvent rien demander." Il s'agit alors d'évacuer 12 à 13 millions d'euros.
Le 29 octobre, Patrice de Maistre annonce à Liliane Bettencourt qu'elle dispose d'un second compte suisse doté de 65 millions d'euros, non déclaré, et qu'il va falloir également le sortir discrètement : "Je suis en train d'organiser le fait de l'envoyer dans un autre pays, qui sera Hongkong, Singapour ou en Uruguay. […] Comme ça, vous serez tranquille. Je pense que c'est bien, ça vous laisse votre liberté. Si on ramène cet argent en France, ça va être très compliqué."
- Patrice de Maistre aurait aussi caché que Liliane Bettencourt est propriétaire de l'île d'Arros
Le 23 octobre, Patrice de Maistre indique à Liliane Bettencourt qu'elle devrait récupérer "officiellement son île", "quitte à payer des impôts" : "Pour votre image, je n'ai pas du tout envie que l'on dise que MmeBettencourt a une île par le biais d'une société au Liechtenstein et d'une fondation, dans VSD ou j'sais pas quoi. […] Vous pourrez la donner à qui vous voulez officiellement, mais personne ne pourra venir vous faire chanter. En ce moment… Il ne faut pas qu'à cause de ça on puisse venir vous embêter, vous voyez. Cela ne coûterait pas très cher en impôts. La seule crainte que j'ai, c'est que je ne veux pas réveiller le tigre qui dort. C'est-à-dire qu'il ne faut pas qu'il y ait des conséquences à cela." Le tigre qui dort ressemble à s'y méprendre au fisc français. "J'ai peur que le fisc tire un fil", explique le 29 octobre Patrice de Maistre. Pour dérouler quelle pelote ?
- L'Elysée serait intervenu dans la procédure judiciaire entre Liliane Bettencourt et sa fille
Le 21 juillet, Patrice de Maistre annonce qu'il reçoit directement de l'Elysée les décisions qui doivent être annoncées par le procureur de Nanterre, Philippe Courroye, douze jours plus tard. Son informateur serait un conseiller juridique de l'Elysée. "Il m'a dit que le procureur Courroye allait annoncer le 3 septembre, normalement, que la demande de votre fille était irrecevable. Donc classer l'affaire. Mais, précise-t-il, il ne faut le dire à personne, cette fois-ci."
Eric Nunès
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