
À lire sur Slate.fr
Retirons à Nicolas Sarkozy la nationalité française
par Philippe Boggio

membres du Conseil Constitutionnel, qui prennent l’habitude de rendre des
arrêts courageux, ou au moins assez iconoclastes, vont se frotter les mains.
Voilà un cas des plus simples! Si jamais Nicolas Sarkozy s’entête à
mettre en pratique ses viriles menaces de Grenoble sur la déchéance de la
nationalité française, il y a fort à parier qu’on va se bousculer au bureau des
saisines. Professeurs de droit, avocats, partis politiques, citoyens… Le
recours au Conseil ne sera plus une opportunité. Mais un devoir civique.
Car
le chef de l’Etat ne vient pas moins que de définir deux catégories de
Français. Les Français français. Et les Français d’origine étrangère, lesquels
seraient soumis à des obligations plus contraignantes que les premiers.
«La nationalité française doit pouvoir être retirée à toute personne
d’origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d’un
fonctionnaire de police, d’un militaire de la gendarmerie (…)», a
déclaré, le 30 juillet, le président de la République, en installant le nouveau
préfet de l’Isère.
Bien
sûr, vendredi, l’été politique, ce mois d’août de la vacance, avait déjà
virtuellement commencé. D’abord, les élus, les observateurs n’ont pas trop
réagi. Nicolas Sarkozy et certains membres du gouvernement les ont habitués à
chasser sur les terres du Front national, selon la formule usuelle, sur le
chapitre sécuritaire, et, à force, ils n’y prêtent pas toujours attention.
C’est à peu près tous les jours, ces temps-ci. La même semaine, c’était au tour
des «gens du voyage» d’être désignés à la peur des braves gens, et
ce, depuis l’Elysée-même. «Discours usé», a d’abord répondu Benoit
Hamon, le porte-parole du PS. «M. Le Pen et sa fille n’ont plus besoin de
parler, a poursuivi Noël Mamère (les Verts), la copie parle à leur
place».
Un président anticonstitutionnel
Pourtant,l’affaire est grave, et normalement, hors somnolence estivale, elle pourrait
même valoir poursuites en justice au contrevenant. Le premier magistrat du
pays, gardien de notre démocratie et des règles républicaines, ne vient rien de
moins que de contester le socle même de notre loi de commune appartenance. La
base sacrée, forgée à la Libération, entre la Charte du Conseil National de la
Résistance (CNR), la Déclaration des Droits de l’Homme de 1948 et la
Constitution de 1958. Le CNR proclamait «l’égalité absolue de tous les
citoyens devant la loi». Oui, mais si nous ne sommes plus citoyens de
même valeur? S’il existe des grades dans la nationalité française?
S’il nous faut refaire le chemin jusqu’au premier Français légitime de
l’Histoire –sous Clovis?– pour déterminer qui est illégitime?
Jusqu’alors,
les Français sont tous Français. En bloc. Incolores. Non différenciables. Il
est même interdit, dans ce pays, de produire des statistiques sur les origines
des Français. Depuis la guerre, depuis que le régime de Vichy a arraché leur
citoyenneté à des milliers de personnes, juives en majorité, depuis que la
mémoire collective porte cette honte, de naissance ou de circonstances, nous
sommes tous Français. Point. Français, c’est tout.
Français
d’un coup. Non à l’essai, probatoires ou, comme le dit Jean-Luc Mélenchon,
président du parti de gauche, «Français conditionnels». Il n’existe
pas, pour la loi, de Français de fraîche date. Ou alors, la loi est illégale.
Qui peut-on renvoyer?
Aucunprésident de la République n’a insinué un doute menaçant comme Nicolas Sarkozy
vient de s’oublier à le faire. Vous, nous, êtes-vous, sommes-nous vraiment
Français? Le suis-je, moi, dont les aïeux, nés Boggio, viennent d’Italie?
Trois générations. Est-ce suffisant pour enfin respirer? Ou peut-on
encore me renvoyer? Et où? En Italie, aucune trace de moi. Les
enfants de la guerre d’Algérie, les Portugais, Polonais, Espagnols? Les
Arméniens de 1915? Polanski, le cinéaste? Et Sarkozy, ce chef de
l’Etat inconséquent? Son père, apatride, a été naturalisé. Dehors,
Sarkozy, s’il tue un gendarme?
Evidemment,
les propos de Grenoble ne sont que des mots –mais il y a des mots qui tuent,
non? Des mots, c’est vrai, destinés d’abord à tenter de récupérer les
électeurs partis au Front national. Nicolas Sarkozy, deux tiers Français, un
tiers Hongrois, en «chasse» estivale.
Mais
c’est aussi affaire de principe. Du principe des principes, pour qui chérit la
terre de France. Le chef de l’Etat n’a pas l’intention de chasser les Français
d’origine portugaise, même si ceux-ci se mettaient à faucher des policiers. Il
vise les derniers Français enregistrés comme tels, venus d’Afrique, et surtout
du Mahgreb. Les Arabes. Leurs enfants, les beurs, synonymes de voyous, dans le
lexique sécuritaire. Il l’explique, dans son discours de Grenoble:
«nous subissons les conséquences de 50 ans d’immigration insuffisamment
régulée qui ont abouti à un échec de l’intégration». Peut-être. Mais pour
l’heure, c’est le président de la République qui transgresse la loi. Mal
intégré lui-même, ces jours-ci. Heureusement, il ne s’agit pas d’un président 100%
français. On peut toujours le renvoyer en Hongrie. Ou en refaire un apatride.
Philippe Boggio
Photo: A Tremblay-en-France. REUTERS/Benoit Tessier
Lire l'article original sur Slate.fr
Liens:
[1] http://www.slate.fr/source/philippe-boggio
[2] http://www.slate.fr/story/20301/sarkozy-securite-delinquance-police-justice
[3] http://www.slate.fr/story/25457/sarkozy-gribouille-inter-bettencourt-woerth-guillon-porte
[1] http://www.slate.fr/source/philippe-boggio
[2] http://www.slate.fr/story/20301/sarkozy-securite-delinquance-police-justice
[3] http://www.slate.fr/story/25457/sarkozy-gribouille-inter-bettencourt-woerth-guillon-porte
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire