Affaire Bettencourt: «Un juge aurait dû être désigné, l'exécutif veut garder le contrôle»
TCHAT
Le journaliste de «Libération» Karl Laske a répondu à vos questions, notamment sur les déclarations de l'ancienne comptable de la milliardaire de L'Oréal.
Liliane Bettencourt le 6 juillet 2007 à Paris (AFP/Patrick Kovarik)
Bayle. Par qui les déclarations à la police de madame Thibout ont été immédiatement rendues publiques? Est-ce légal? De même pour les carnets qu'on disait perdus, si vite retrouvés, sitôt publiés?
Karl Laske. Les déclarations de Claire Thibout à la police, mercredi, ont fuité très vite. Le premier extrait a été mis en ligne par le Figaro.fr, jeudi midi. Il est certain que c'est une violation du secret de l'enquête. Ce qui est problématique, c'est qu'il ne s'agissait que d'un passage mettant en cause les propos qu'elle avait tenus à Mediapart, dans une interview et, donc pas de l'intégralité.
C'était donc une utilisation tronquée et un peu fallacieuse. Il faut relever que dans l'heure qui a suivi, Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée, faisait état de ce même extrait, qui relativisait les propos rapportés par Mediapart, concernant les remises d'enveloppe à Nicolas Sarkozy. D'après mes informations, plusieurs journalistes ont été en contact avec Guéant qui disposait jeudi des procès verbaux.
Help. Est-ce Sarkozy va réussir à étouffer l'affaire Bettencourt, en a-t-il encore les moyens?
Enormément d'informations sont sorties. Elles auraient dû évidemment conduire à la désignation d'un juge d'instruction pour qu'il conduise des investigations. Le parquet de Nanterre a préféré ouvrir des enquêtes préliminaires qui lui donne un contrôle absolu des actes d'enquêtes. La première enquête concernait les atteintes à la vie privée relatives aux enregistrements pirates du maître d'hôtel de Bettencourt, et un vol de documents reproché à la comptable.
La deuxième enquête, ouverte mercredi, n'a pas d'objet précisé. C'est une navigation à vue, mais qui permet à l'exécutif, d'une part d'interroger tous les témoins hors de la présence ou de l'intervention de leurs avocats, et de garder la maîtrise de la direction des opérations.
El Rikos. Dans cette affaire, la presse n'est-elle pas réduite à relayer les fuites que laisse échapper chaque camp pour faire taire ses adversaires? Quelle est la vraie part d'investigation là-dedans?
Le travail consiste à en savoir le plus possible sur les enquêtes, en faisant parler en amont les témoins et les avocats.
Pseud. Manifestement, le majordome et la comptable de Liliane Bettencourt n'avaient pas d'autres intentions que de protéger «Madame» contre Banier; autrement dit, ils ne cherchaient pas du tout de mettre en cause des politiques. Comment cet effet secondaire a-t-il pu leur échapper ?
Les employés sont mis sous pression par leurs révélations, mais il est tout à fait exact que leur intention première était de prendre partie dans l'enquête ouverte pour abus de faiblesse contre le photographe. C'est vrai que l'avocat de Liliane Bettencourt leur a founi une boîte d'alumettes en déposant plainte pour vol de documents, alors que ces documents avaient été restitués. Parmi ceux-ci figuraient les fameux carnets de caisse de la comptable. Evoquer le sujet des carnets de caisse devait provoquer inéluctablement des questions sur les sorties d'argent en liquide, et par conséquent sur les versements politiques.
Pseud. Les attaques de l'UMP envers Mediapart sont plus qu'excessives, c'est une véritable tentative de démolition. Quel effet cela produit-il aujourd'hui dans le milieu journalistique? Se sentent-ils visés de façon générale?
Ces attaques sont inacceptables. D'ailleurs le tribunal correctionnel de Paris, saisi en référé d'une plainte de Bettencourt contre Mediapart et Le Point, a pleinement légitimé la divulgation des enregistrements du maître d'hôtel.
Jo Rabbit : N'avez-vous pas l'impression qu'au-delà de l'affaire Woerth, nous sommes au milieu d'un pacte de corruption permettant aux uns d'échapper à l'impôt pendant que les autres encaissent pour le financement de leur(s) campagne(s) électorale(s) ?
Il est difficile de parler de pacte de corruption pour l'instant. Les soupçons qui sont formulés par les milieux judiciaires sont plutôt ceux d'une éventuelle prise illégale d'intérêt voire, d'un trafic d'influence. Ces suspicions ne peuvent être clarifiées que par l'enquête pénale, et des investigations approfondies. A ce sujet, le parquet de Nanterre a communiqué à la chancellerie un rapport qui signale qu'il convient encore d'attendre l'authentification des enregistrements du maître d'hôtel. C'est évidemment dilatoire.
Lo. Les noms cités par Claire Thibout : Kouchner, Chirac, Mitterrand, Woerth, etc. ne sont pas que des noms d'hommes politiques de droite. Cette affaire peut-elle éclabousser plus loin que les seuls bancs de l'UMP ?
Les noms cités mercredi sont ceux des invités des Bettencourt à dîner. Il ne s'agit pas d'une liste de bénéficiaires de fonds. Les Bettencourt ont probablement financé au-delà de l'UMP mais, de manière très constante, essentiellement à droite. Pour l'heure, les révélations de Claire Thibout mettent réellement en cause une seule personne, Eric Woerth.
Karl Laske. Les déclarations de Claire Thibout à la police, mercredi, ont fuité très vite. Le premier extrait a été mis en ligne par le Figaro.fr, jeudi midi. Il est certain que c'est une violation du secret de l'enquête. Ce qui est problématique, c'est qu'il ne s'agissait que d'un passage mettant en cause les propos qu'elle avait tenus à Mediapart, dans une interview et, donc pas de l'intégralité.
C'était donc une utilisation tronquée et un peu fallacieuse. Il faut relever que dans l'heure qui a suivi, Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée, faisait état de ce même extrait, qui relativisait les propos rapportés par Mediapart, concernant les remises d'enveloppe à Nicolas Sarkozy. D'après mes informations, plusieurs journalistes ont été en contact avec Guéant qui disposait jeudi des procès verbaux.
Help. Est-ce Sarkozy va réussir à étouffer l'affaire Bettencourt, en a-t-il encore les moyens?
Enormément d'informations sont sorties. Elles auraient dû évidemment conduire à la désignation d'un juge d'instruction pour qu'il conduise des investigations. Le parquet de Nanterre a préféré ouvrir des enquêtes préliminaires qui lui donne un contrôle absolu des actes d'enquêtes. La première enquête concernait les atteintes à la vie privée relatives aux enregistrements pirates du maître d'hôtel de Bettencourt, et un vol de documents reproché à la comptable.
La deuxième enquête, ouverte mercredi, n'a pas d'objet précisé. C'est une navigation à vue, mais qui permet à l'exécutif, d'une part d'interroger tous les témoins hors de la présence ou de l'intervention de leurs avocats, et de garder la maîtrise de la direction des opérations.
El Rikos. Dans cette affaire, la presse n'est-elle pas réduite à relayer les fuites que laisse échapper chaque camp pour faire taire ses adversaires? Quelle est la vraie part d'investigation là-dedans?
Le travail consiste à en savoir le plus possible sur les enquêtes, en faisant parler en amont les témoins et les avocats.
Pseud. Manifestement, le majordome et la comptable de Liliane Bettencourt n'avaient pas d'autres intentions que de protéger «Madame» contre Banier; autrement dit, ils ne cherchaient pas du tout de mettre en cause des politiques. Comment cet effet secondaire a-t-il pu leur échapper ?
Les employés sont mis sous pression par leurs révélations, mais il est tout à fait exact que leur intention première était de prendre partie dans l'enquête ouverte pour abus de faiblesse contre le photographe. C'est vrai que l'avocat de Liliane Bettencourt leur a founi une boîte d'alumettes en déposant plainte pour vol de documents, alors que ces documents avaient été restitués. Parmi ceux-ci figuraient les fameux carnets de caisse de la comptable. Evoquer le sujet des carnets de caisse devait provoquer inéluctablement des questions sur les sorties d'argent en liquide, et par conséquent sur les versements politiques.
Pseud. Les attaques de l'UMP envers Mediapart sont plus qu'excessives, c'est une véritable tentative de démolition. Quel effet cela produit-il aujourd'hui dans le milieu journalistique? Se sentent-ils visés de façon générale?
Ces attaques sont inacceptables. D'ailleurs le tribunal correctionnel de Paris, saisi en référé d'une plainte de Bettencourt contre Mediapart et Le Point, a pleinement légitimé la divulgation des enregistrements du maître d'hôtel.
Jo Rabbit : N'avez-vous pas l'impression qu'au-delà de l'affaire Woerth, nous sommes au milieu d'un pacte de corruption permettant aux uns d'échapper à l'impôt pendant que les autres encaissent pour le financement de leur(s) campagne(s) électorale(s) ?
Il est difficile de parler de pacte de corruption pour l'instant. Les soupçons qui sont formulés par les milieux judiciaires sont plutôt ceux d'une éventuelle prise illégale d'intérêt voire, d'un trafic d'influence. Ces suspicions ne peuvent être clarifiées que par l'enquête pénale, et des investigations approfondies. A ce sujet, le parquet de Nanterre a communiqué à la chancellerie un rapport qui signale qu'il convient encore d'attendre l'authentification des enregistrements du maître d'hôtel. C'est évidemment dilatoire.
Lo. Les noms cités par Claire Thibout : Kouchner, Chirac, Mitterrand, Woerth, etc. ne sont pas que des noms d'hommes politiques de droite. Cette affaire peut-elle éclabousser plus loin que les seuls bancs de l'UMP ?
Les noms cités mercredi sont ceux des invités des Bettencourt à dîner. Il ne s'agit pas d'une liste de bénéficiaires de fonds. Les Bettencourt ont probablement financé au-delà de l'UMP mais, de manière très constante, essentiellement à droite. Pour l'heure, les révélations de Claire Thibout mettent réellement en cause une seule personne, Eric Woerth.
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