Cannabis, la grande illusion
Ils ont tout misé sur une légalisation du cannabis et ont été à deux doigts de réussir. Retour sur une aventure un peu folle, où s’est notamment perdu Bernard Rappaz qui vient ce matin quêter la compréhension du Tribunal fédéral
«Je payais tout: l’AVS, le chômage, j’étais inscrit au Registre du commerce, les Services industriels m’avaient même accordé un rabais de 50% sur l’électricité pour faire pousser mes plantons. Et un beau jour, la police a fait une descente, elle a tout cassé, une boucherie, comme si j’étais un vrai criminel. J’avais pris mon deuxième pilier pour l’investir dans mon affaire: j’ai tout perdu.»
En 2009, Julien* été condamné à deux ans et demi de prison avec sursis, pour trafic de cannabis. Il fait partie de ceux qui, comme Bernard Rappaz, ont été roulés dans le ressac de la politique du cannabis. Comme Bernard Rappaz. Ou André Fürst, six mois de prison, qu’il a terminé de subir en 2009, François Reusser, une condamnation avec sursis en 2005. Et beaucoup d’autres: parfois militants, parfois malins, naïfs ou retors, partageant pour la plupart une solide veine libertaire, engagés chacun à sa manière dans un combat pour la dépénalisation du chanvre qu’ils ont été à deux doigts de gagner.
Les débuts? Les souvenirs des participants les montrent enveloppés d’un joli nuage de fumée festive. En 1974, se rappelle le traducteur Laurent Duvanel, «un groupe alternatif m’a incité à me présenter aux élections dans le canton de Neuchâtel». Un groupe alternatif cherchait un nombre suffisant de candidats dans différents cantons pour obtenir une plate-forme grâce aux règles alors en vigueur sur l’accès à l’antenne des formations en compétition. «On m’a demandé de choisir un logo pour le bulletin de vote. On m’a suggéré un motif botanique. C’est là que j’ai eu l’idée de présenter une feuille de chanvre.»
Perplexité. Examen par un institut botanique. Refus. Avec un complice rencontré à cette occasion, le Genevois Sylvain Goujon, Laurent Duvanel décide de se lancer dans la lutte pour la libéralisation du chanvre. «C’était surtout un moyen de sortir de la grisaille ambiante; on mettait les rieurs de notre côté. C’était aussi un moyen de revendiquer le droit à la liberté, au plaisir.»
Le mouvement s’appelle «Libéralisons le cannabis». Les réunions se déroulent dans une fumée assez épaisse pour monter même à la tête de ceux qui ne tirent pas une bouffée au passage. Il s’agit, se rappelle Maurice Jaccard, l’un des animateurs, de combattre une législation qui maintient la jeunesse contestataire sous contrôle policier sans rien pouvoir contre les mafias de la drogue, dont la corruption s’infiltre jusqu’au sein de la police.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire