FEUX EN RUSSIE - Faut-il s'inquiéter des retombées radioactives ?
Par Marc Vignaud
Les fumées qui envahissent la capitale russe pourraient charrier des particules radioactives vers la France © ALEX VOLGIN/MaxPPP
Le nuage de Tchernobyl et la fable selon laquelle il serait resté bloqué à la frontière sont passés par là. Les Français s'interrogent aujourd'hui sur les possibles retombées radioactives des incendies de forêt qui dévorent la Russie. D'autant plus que Moscou s'est publiquement inquiété jeudi de la situation : l'éventuelle propagation des flammes à une zone irradiée par l'explosion, en 1986, de la centrale nucléaire ukrainienne est au centre de ses préoccupations. Si ce scénario devait se produire, des particules radioactives, notamment du césium 137, pourraient être renvoyées dans l'atmosphère. Et la France pourrait être touchée.
Pour l'heure, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), chargé de mesurer l'activité nucléaire dans l'environnement, se veut rassurant. "Les niveaux d'activité susceptibles d'être observés en France à la suite de tels phénomènes ne sont pas de nature à provoquer une inquiétude d'ordre sanitaire", affirme-t-il déjà. L'IRSN s'appuie sur les conséquences des incendies qui ont ravagé en 2002 "de vastes zones de Biélorussie, de Russie et d'Ukraine". Selon l'institut, la contamination de l'air en césium 137 a alors atteint en France 1,5 microbecquerel par mètre cube d'air, un niveau qui ne présenterait aucun risque sanitaire. Encore faudrait-il, pour atteindre de nouveau ces niveaux dans l'Hexagone, qu'un vent "Moscou-Paris" pousse les particules vers la France, ce qui n'est pas le cas, relève Météo France. L'institut de prévision météorologique ne prévoit pas de souffle en ce sens, au moins pour la semaine à venir.
Des moyennes nationales
La Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (Criirad), une association indépendante créée en 1986 en réaction à la rétention d'informations des autorités sur le nuage de Tchernobyl, ne semble pas plus inquiète. "Même si on multipliait par 1.000 le niveau de la contamination au césium constaté au plus fort de la contamination de 2002, cela aurait un impact très faible, un million de fois inférieur à la contamination liée au nuage de Tchernobyl", explique Bruno Chareyron, responsable du laboratoire de l'association. L'iode 131, responsable des cancers de la thyroïde après le passage du nuage, a par ailleurs disparu, souligne-t-il.
Stéphane Lhomme, de l'Observatoire du nucléaire, est loin de partager son optimisme. Selon lui, les déclarations de l'IRSN "ressemblent tout à fait aux déclarations qu'on nous a faites en 1986". Et d'expliquer que les concentrations de césium 137 publiées en France ne sont que des moyennes nationales. Du coup, elles ne renseignent pas sur les surconcentrations éventuelles dans des zones précises. Certains individus pourraient ainsi très bien inhaler (ou ingérer par le biais des légumes, notamment) des doses nocives pour la santé.
Manque d'informations sur les sites nucléaires russes
Il faut rester "vigilants", reconnaît volontiers la Criirad, car l'hypothèse d'un site nucléaire russe touché par les feux n'est pas à exclure. L'association de protection de l'environnement Robin des Bois a ainsi fait part de son "inquiétude particulière" pour "le site secret Arzamas 16, à 60 km de la ville de Sarov, qui abrite depuis 1946 un centre russe d'expérimentations et d'activités nucléaires". "De Staline à Poutine, Arzamas 16 (...) a servi de site de stockage de plutonium, d'uranium enrichi, d'assemblage et de désassemblage de bombes nucléaires et, sans aucun doute, aussi de dépotoir de déchets", souligne l'association.
Le site de Sarov inquiète également. L'Observatoire du nucléaire conteste les affirmations des autorités russes qui affirment en avoir évacué les matières nucléaires. Selon Stéphane Lhomme, "il faut des décennies pour démanteler un site nucléaire, surtout lorsqu'il est ancien. Sarov existe depuis les années 1940". Difficile d'y voir clair. En effet, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) dispose de très peu d'informations sur les installations russes.
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