Le 18/08/2010
![]() | Déclaration d’ Elio Di Rupo, pré-formateur – 18 août 2010 |
Déclaration d’ Elio Di Rupo, pré-formateur – 18 août 2010
Mesdames, Messieurs,
Le Roi m’a reçu cet après-midi. Je lui ai présenté un nouveau rapport de ma mission de pré-formation.
Le Roi m’a demandé de poursuivre ma mission et enparticulier d’approfondirles domaines :
- de l’autonomie et de la responsabilisation des entités fédéréespour leurs nouvelles attributions,pour permettreà chaque entité deprospérer;
- du financement dans la durée del’Etat fédéral pour les compétences et obligations qu’il continuera à assumer.
J’ai accepté de poursuivre ma mission. Je l’ai acceptée par sens de l’Etat et dans l’espoir d’aboutir dans des délais raisonnables.
Le Roi recevra demain et vendredi les présidents de parti qui participent actuellement aux discussions institutionnelles.
Pour rappel, l’objectif de la phase de pré-formation est d’élargir et d’approfondir les éléments de convergences entre les différents partis autour de la table.
C’est ce que j’ai fait.
Lors de mon premier rapport intermédiaire au Roi, j’ai expliqué que la situation politique était tellement complexe qu’il convenait de travailler en deux volets:
un volet institutionnel, d’une part,
et un volet socio-économique et budgétaire, d’autre part.
J’ai mis à profit ces derniers 40 jours pour avancer de manière approfondie dans les discussions institutionnelles.
Depuis 40 jours, j’ai essayé de concilier l’inconciliable.
Après avoir longuement dialogué avec les uns et les autres, j’ai formulé des propositions de convergences concernant la réforme institutionnelle, BHV et Bruxelles-Capitale.
La liste des matières qui ont été examinées et qui pourraient être partiellement ou entièrement transférées vers les entités fédérées est considérable.
Il s’agit notamment des aspects qui concernent, par exemple,
l’emploi,
les allocations familiales,
les soins de santé,
la fiscalité,
la justice,
les baux,
la mobilité,
la sécurité civile,
les politiques de prévention et des grandes villes,
la recherche scientifique,
le commerce extérieur,
les implantations commerciales,
les tarifs de distribution de l’énergie
ou le tourisme.
Les compétences qui pourraient ainsi être transférées aux entités fédérées représentent aujourd’hui un montant de 15,8 milliards EUR !
Il y a 2 semaines, j’ai dit que, vu les résultats électoraux en Flandre, nous savions que le centre de gravité de la Belgique se déplacera de l’Etat fédéral vers les entités fédérées.
Si les propositions que j’ai mises sur la table étaient concrétisées, nous assisterions à un déplacement déterminant du centre de gravité.
Suite à la première réforme de l’Etat de 1970, les montants accordés aux entités fédérées représentaient 9% des recettes de l’État fédéral.
Suite à la réforme de 1980, les montants accordés aux Communautés et aux Régions ont atteint 10% des recettes de l’État fédéral.
Avec la réforme de 1989, ces montants transférés représentaient environ 34% des recettes fédérales.
Avec la réforme de 1993, on est passé à 37% des recettes fédérales.
Avec la réforme de 2001, il s’agit de plus de 39%.
Si je le relis: 9%, 10%, 34%, 37% et 39%.
Les 15,8 milliards EUR qui sont actuellement discutés conduiraient à ce que les entités fédérées aient un rayon d’action jamais atteint.
Outre les 7 milliards qui proviennent des recettes de cotisations sociales, ce seraient 49% des recettes fédérales qui seraient désormais de leur responsabilité.
En synthèse, si le montant de 15,8 milliards actuellement discuté était confirmé, le centre de gravité basculerait donc, de manière déterminante, vers les entités fédérées.
Mesdames, Messieurs,
J’ai travaillé sans relâche pour répondre tant aux demandes flamandes qu’aux demandes francophones.
Le cadre que j’ai proposé s’appuie sur les principes suivants:
· La 6ème réforme de l’Etat ne doit appauvrir personne: ni les Flamands, ni les Bruxellois, ni les Wallons, ni les Germanophones. Elle ne peut les appauvrir ni demain ni dans le futur!;
· La 6ème réforme de l’Etat doit préserver la solidarité interpersonnelle et maintenir le socle fondamental de la sécurité sociale, pilier de notre bien-être;
· Elle doit aussi permettre une évolution «copernicienne», comme disent certains, à savoir des transferts importants de compétences de l’Etat fédéral vers les entités fédérées. Ces transferts doivent s’opérer dans un souci d’homogénéité et d’efficacité des politiques menées, pour le bien-être de tous les citoyens. Comme l’a d’ailleurs indiqué le Roi, la réforme doit également favoriser l’autonomie et la responsabilisation des entités fédéréesafin de permettreà chaque entité deprospérer;
· Enfin, la 6ème réforme de l’Etat doit également assurer la stabilité du pays en veillant au maintien d’un socle fédéral commun et d’un financement qui assure sa pérennité.
En ce qui concerne la notion de responsabilisation, la première de toutes les responsabilisations est d’assurer l’équilibre budgétaire de notre pays tout entier.
L’élaboration du budget de la «Maison Belgique» requiert un effort de 25 milliards à l’horizon 2015 pour l’ensemble des entités belges (Entité I et Entité II).
Il est impératif d’élaborer un budget responsable tant pour les Flamands que pour les Bruxellois, les Wallons et les Germanophones.
Responsabiliser toutes les entités pour atteindre l’équilibre budgétaire est absolument indispensable notamment pour:
- freiner et puis annuler l’effet boule de neige de la dette globale du pays;
- réduire les spéculations financières;
- et garantir la pérennité de notre modèle social.
Naturellement, la notion de responsabilisation des entités fédérées a occupé une place importante dans les discussions.
Elle est acceptée par tous, par exemple pour ce qui concerne le domaine de l’emploi.
Mais il subsiste une grande différence d’approche autour de la table.
Certains voudraient que la responsabilisation se réduise à accorder des moyens financiers aux entités au prorata de l’IPP (Impôt des Personnes Physiques).
D’autres expliquent que cette approche est inacceptable car l’IPP n’est pas un paramètre pertinent.
Pour soutenir leur thèse, les opposants à l’utilisation de l’unique paramètre IPP prennent Bruxelles-Capitale comme exemple.
Ainsi disent-ils, en 2008, Bruxelles-Capitale contribuait à 19% du PIB national, mais sa part dans les recettes IPP du pays n’était que de 8%.
Sa contribution élevée au PIB reflète son intense activité économique.
Son faible taux IPP reflète ses difficultés sociales. Il reflète aussi le fait que 360.000 navetteurs travaillent à Bruxelles mais que leur IPP est calculé dans la Région où ils vivent.
Pour le dire autrement, dans l’hypothèse d’un montant de 10.000 EUR à partager entre les 3 Régions du pays, si la responsabilisation se base uniquement sur le PIB, Bruxelles-Capitale recevrait 1.900 euros.
Si la responsabilisation se basait uniquement sur l’IPP, Bruxelles recevrait uniquement 800 euros.
On le voit avec cet exemple: la différence d’approche est fondamentale.
Je cherche pour ma part une voie médiane entre ces 2 points de vue, à savoir le pour ou le contre de l’utilisation du seul paramètre de l’IPP.
Je pense que la responsabilisation devrait être synonyme de «bénéfices ou de pertes de moyens financiers» en fonction de politiques spécifiques que mèneront les entités fédérées.
Plus fondamentalement encore, je considère que les critères de responsabilisation qui seront retenus ne peuvent pas conduire, à terme, à appauvrir une partie de la population.
Si tous les partis autour de la table acceptent ce principe, il est alors possible d’approfondir les modalités de la mise en œuvre de cette notion.
S’ils ne l’acceptent pas, ce sera alors très difficile de poursuivre les discussions.
En ce qui concerne la loi de financement, il est un minimum incontournable.
C’est celui de l’adapter pour y inclure tous les effets financiers de la 6ème réforme de l’Etat et celui d’au minimum corriger des anomalies constatées par tous.
Il est aussi une autre certitude. Pour réussir la 6ème réforme, il faudra garantir dans la durée les financements des entités fédérées et de l’Etat fédéral pour que chacun puisse exercer ses compétences et ses obligations.
Mesdames, Messieurs
Le Roi a décidé de recevoir en audience les présidents des 7 partis concernés par les discussions institutionnelles demain et vendredi afin d’apprécier leur perception de la situation. Après une nouvelle rencontre avec le Roi, je réunirai les chefs de délégation samedi.
J’approfondirai avec tous les partis autour de la table les différentes thématiques dont notamment:
1. Le contenu précis des compétences qui seraient susceptibles d’être transférées;
2. Les modalités nécessaires pour permettre aux entités fédérées d’exercer leurs compétences avec l’autonomie et la responsabilisation suffisantes;
3. Et BHV.
J’espère qu’après cette phase, nous pourrons entrer rapidement et concrètement dans la négociation de l’accord du prochain Gouvernement.
Je rappelle que nous sommes face à une des situations les plus difficiles de l’histoire de notre pays.
Les électeurs néerlandophones et francophones ont envoyé des signaux très différents.
Mon souhait est de transformer cette réalité très contrastée en une opportunité pour les citoyens, pour notre pays et pour toutes les entités.
Il faut maintenant que chaque parti politique soit capable de faire des concessions.
Il faut atterrir.
Il faut que chaque parti admette qu’il ne peut pas obtenir tout ce qu’il désire.
Il faut enfin que chacun soit capable, à un moment donné, de conclure un compromis.
Ce compromis sur les questions institutionnelles est d’autant plus urgent qu’un autre travail «titanesque» nous attend.
Come je l’ai dit, c’est l’élaboration du budget du pays tout entier qui requiert un effort de 25 milliards à l’horizon 2015 pour l’ensemble des entités belges.
Mesdames, Messieurs,
Cela fait plus de 3 ans que les questions institutionnelles empoisonnent notre pays. Jamais, en 3 ans, l’élaboration d’un projet de réforme de l’Etat n’a été menée aussi loin, avec autant de profondeur et de détails.
Nous disposons d’une fenêtre d’opportunité sans précédent pour avancer sur un cadre institutionnel et nous atteler enfin aux défis budgétaires et socio-économiques.
Il serait gravissime de ne pas prendre en considération l’opinion de la population qui, dans sa majorité, ne veut pas de la scission de la Belgique mais souhaite des réformes équilibrées pour plus de stabilité et de prospérité.
Je demande dès lors à chaque formation politique de prendre ses responsabilités.
L’heure est au choix.
Mesdames, Messieurs,
Un dernier mot.
Je vais poursuivre ma mission avec la volonté d’aboutir.
J’espère que cette volonté sera partagée par tous!
Un tout grand merci pour votre attention.
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