Accord UBS: un scandale en voie d’enterrement
PAR FRANÇOIS PILET
Il y a un an, la Suisse sauvait la banque en s’engageant à livrer des milliers de noms. La recherche des responsabilités n’a pas avancé d’un pouce
Le spectacle qui se joue en cette fin d’été 2010 dans les bureaux de l’Administration fédérale des contributions aurait paru totalement inconcevable il y a encore si peu. Un an jour pour jour après la signature d’un accord historique entre la Suisse et les Etats-Unis au sujet d’UBS, une quarantaine de fonctionnaires de l’Etat suisse, garant du secret bancaire depuis 1934, mettent un terme à la plus importante dénonciation en masse de clients d’une banque suisse à une autorité fiscale étrangère.
Réunis dans des locaux ultra-sécurisés quelque part à Berne, connectés aux serveurs centraux d’UBS par une ligne informatique cryptée, les employés fédéraux auront bientôt fini de collecter les données de 4450 contribuables américains. A ce jour, les relevés de comptes, les e-mails et les formulaires concernant 2500 clients ont déjà été copiés sur des clés USB, glissées dans des enveloppes scellées pour être remises à un service de courrier privé. Destination: le siège de l’Internal Revenue Service (IRS) à Washington.
«Cette histoire est abracadabrante», s’étonne encore le conseiller national socialiste Roger Nordmann, qui peine à concevoir que cette discrète procédure administrative à l’encontre de milliers de clients d’UBS soit le seul véritable épilogue d’un scandale qui a mené le gouvernement à réinterpréter son droit et à affaiblir le secret bancaire pour sauver la première banque du pays. Pourtant, la question de la responsabilité des anciens dirigeants d’UBS tant dans la débâcle des «subprime» que dans l’affaire de fraude fiscale aux Etats-Unis est bel et bien en passe d’être enterrée. Inventaire des dossiers encore ouverts.
Les plaintes d’actionnaires
En renonçant chacun à son tour à se saisir du dossier, le parquet de Zurich, le Conseil fédéral puis le parlement ont tous laissé entendre qu’une procédure civile intentée par les actionnaires d’UBS était la seule voie concrètement envisageable pour faire la lumière sur l’affaire. Mais maintenant que toutes les autres pistes se sont évanouies, cette issue paraît soudain plus incertaine que jamais.
Depuis que le parlement a «botté en touche» en enterrant l’idée d’une Commission d’enquête parlementaire (CEP), «c’est maintenant la dernière qui sonne», avertit Roby Tschopp, le directeur de l’association de défense des actionnaires Actares. Dénonçant «l’immobilisme du conseil d’administration d’UBS et l’enlisement du processus politique», Actares et son alter ego belge Deminor cherchent depuis un peu plus d’un mois à réunir un nombre suffisant d’actionnaires pour partager les frais d’une plainte contre les anciens dirigeants d’UBS. Or, un premier délai fixé au 15 août n’aboutira probablement pas, faute de soutien des investisseurs institutionnels. Les deux associations pourraient tenter de reporter l’échéance à l’automne.
Le rapport des commissions de gestion
D’une virulence étudiée, ce rapport fustige le Conseil fédéral tout en laissant d’importantes zones d’ombre sur l’implication des anciens chefs d’UBS, Marcel Ospel et Peter Kurer. Dans une conclusion aussi inattendue que juridiquement hasardeuse, le rapport suggère au Conseil fédéral de prendre à sa charge les coûts d’une procédure civile. «C’est un élément clé», indique Roby Tschopp. Selon lui, un tel soutien serait seul susceptible de convaincre les investisseurs institutionnels de se rallier à une plainte. Le Conseil fédéral devra se prononcer à l’automne. Mais le temps presse. Les décharges des anciens administrateurs ayant été votées pour 2008 et 2009, le délai de prescription court au 15 octobre.
L’ultime enquêtede la Finma
Le conseiller national Roger Nordmann est à l’origine d’une initiative parlementaire, déposée fin juin, qui prévoit de contraindre la Finma (l’autorité de surveillance des marchés financiers) à reprendre l’enquête sur le lourd passé d’UBS. «Cette procédure est lente, mais inarrêtable», assure le socialiste. Elle ne devrait se concrétiser qu’après les élections fédérales de 2011. «Si cela échoue, je ne vois vraiment plus quel instrument utiliser, poursuit-il. Ne resteront plus que les historiens pour s’y pencher, d’ici à une trentaine d’années.»
© 2009 LE TEMPS SA
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