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lundi 21 février 2011


Jacques Sapir: la politique économique est un sport de combat (4)

Pour son chapitre conclusif, Jacques Sapir voit la relative faiblesse de la France vis-à-vis de l'Allemagne comme une chance. Le rapport de force entre les deux pays, qui s'est encore manifesté à l'avantage de notre voisin, avec la mise en place des «politiques d'ajustement», peut se renverser. La France dispose d'atouts pour faire peser sur l'Allemagne le poids économique comme la responsabilité politique d'un éventuel éclatement de la zone euro. 
Certes, ces atouts, font appel à des armes pour l'heure considérées comme non-conventionnelles, comme la prise en charge de la quasi totalité de la dette de l'Etat par la banque centrale, ce qui induit sa nationalisation. Bref, la crise, comme un levier d'action inédit...



(Flickr - marfis75 - cc)
Pourtant, une autre stratégie est possible. Elle consiste pour la France de transformer sa
« faiblesse » apparente vis-à-vis de l’Allemagne en force, comme on le fait au judo et de
présenter à notre partenaire un choix ne lui laissant qu’entre une solution mauvaise pour lui et
une qui serait bien pire encore.

En fait, et compte tenu de la relativement faible exposition de l’économie française
(relativement s’entend) au commerce libellé en Euro, on voit que les options stratégiques sont
doubles. Dans le même temps, il faut poser les termes de ce que l’on peut appeler
« l’économie politique » de la zone Euro.

Options stratégiques

Deux options sont possibles, l’une à l’intérieure de la zone Euro et l’autre à l’extérieure.

1- Faire baisser l’Euro.
Le retour de l’Euro à une parité plus en accord avec les déterminants de l’industrie française
(1,00 USD / 1,05 USD) permettrait à notre pays de recouvrer la croissance forte qui lui fait
défaut actuellement. Le gain potentiel, de 1,5% à 2% est égal ou supérieur au montant de la
croissance estimée pour 2011. À noter qu’une croissance supérieure de 1,5% (soit 3% à 3,2%)
nous permettrait de stabiliser la dette publique avec un choc budgétaire considérablement
moindre que dans le cas d’une croissance à 1,5% / 1,7%. De même, assurant un retour à
l’emploi plus important, une telle croissance ferait baisser les pressions qui s’exercent sur les
comptes sociaux.

2- Sortir de l’Euro.
Ceci combinerait un effet de baisse du taux de change avec les pays « hors-zone » et une
dévaluation avec l’Allemagne. Le gain serait donc plus important, mais il impliquerait des
mesures de politique économique plus ambitieuses et plus profondes pour être exploité dans
sa totalité. Une dévaluation de la monnaie française (retrouvée) de 25% à 30% impliquerait un
gain non seulement vis-à-vis des pays de la zone Dollar, mais aussi des pays de la zone Euro.
Mais, une telle sortie imposerait presque certainement à des pays comme l’Italie et l’Espagne
d’en faire autant. On peut donc considérer que le gain total en croissance serait loin d’être
égal au gain potentiel et devrait se situer à 2,5% / 3,0%. Une sortie unilatérale de l’Euro ne
donnerait qu’un gain de 1% en croissance par rapport à une forte baisse de l’Euro. Ceci
pénaliserait très fortement l’Allemagne.

Il apparaît ainsi que théoriquement la solution de faire baisser l’Euro sans en sortir est celle
qui offre le plus d’avantage. Le gain en croissance de l’option « sortie » par rapport à l’option
« dévaluation de l’Euro » apparaît faible et le coût institutionnel élevé. Une partie de l’écart
de compétitivité avec l’Allemagne pourrait être réduit par l’adoption de mesures fiscales
calquées sur ce pays. Il faut cependant souligner que la tentative de rapprocher la France de
l’Allemagne tournerait court rapidement du fait des différences démographiques (nous avons
50% de jeunes en plus avec une population moindre de près de 10 millions…), sociologiques
et structurelles entre les deux pays. Une stratégie basée sur le rapprochement des structures
fiscales ne pourrait jouer que 5 à 7 ans. Le problème de la zone Euro se reposerait donc à
terme.

En un sens l’opposition entre ces deux options recouvre un opposition entre le court et le long
terme. Mais, elle recouvre aussi les logiques propres à ce que l’on peut appeler « l'économie
politique » de la zone Euro.

L’économie politique de la zone Euro
Entrent ici en jeu des éléments de stratégie politique et ce que l’on peut appeler « l’économie
politique » d’une mutation de la zone Euro. L’Allemagne, si elle a accepté d’importants
assouplissements des règles de la Banque Centrale Européenne maintient l’idée d’un
assouplissement temporaire et se refuse à l’équivalent d’un « quantitative easing » (QE) qui
pourrait provoquer une forte baisse de l’Euro. On sait que l’inflation est aujourd’hui un peu
plus forte en Allemagne, ce qui fournit des arguments au gouvernement pour refuser le
principe d’un QE à l’européenne.

Dans le cadre institutionnel actuel, deux éléments clés dominent :

- La règle d’unanimité pour les décisions dans la zone Euro.
- L’absence de procédures formelles permettant d’exclure un pays une fois entré dans la
zone.

Le premier de ces éléments rend extrêmement peu probable (et en réalité impossible) un
accord sur une baisse du taux de change de l’Euro, compte tenu des oppositions de politiques
économiques qui existent entre pays membres.

Le second désarme la zone Euro contre une action unilatérale de l’un des pays membres.
En exploitant les défauts du traité de l’Union Economique et Monétaire (UEM) on peut
imaginer que la France, réquisitionnant la Banque de France (article 16) impose à cette
dernière de reprendre les avances au Trésor et le principe du plancher minimal d’effets
publics pour les banques opérant sur le territoire français et la détention sur des comptes
localisés en France de ces titres. La monétisation immédiate du déficit et d’une partie de la
dette (disons pour un montant de 400 milliards d’euros) s’accompagnerait de la nécessité pour
les banques françaises de racheter les titres français restants, assurant rapidement une 
« renationalisation » de notre dette. Notons que l’épargne de la France (20% du PIB pour
l’épargne globale) suffit amplement pour assurer un flux régulier de financement au Trésor
public.

Jacques Sapir: la politique économique est un sport de combat (4)
On voit que l’épargne des ménages français est plus que suffisante pour soutenir le déficit
public. En fait, après l’Espagne, c’est bien notre pays qui a le taux d’épargne le plus élevé.
Cette politique permettrait de mettre rapidement en place les mesures suivantes :

- Établissement d’un pôle public du crédit dont l’émission d’obligations sera souscrite
par la Banque de France (la banque postale pourrait en être le noyau) et qui servira au
financement du logement (prêt aux ménages) et des infrastructures.
- Établissement d’un pôle séparé pour le financement des PME-PMI avec possibilité de
prises de participations soit selon la formule de l’actionnaire « dormant » pour une
période de 5 à 10 ans (puis revente des actions) soit selon la formule du partenariat
Public-Privé.
- Lois bancaires séparant précisément les banques d’investissements et les banques de
dépôts.
- Interdiction des SPV (Spécial Pur pose Veines) et réglementation stricte des Fonds
d’investissement. Interdiction des opérations de Hedge Funds sur les titres français
(avec le système de la licence pour les opérations en bourse).
- Annulation des directives européennes concernant les activités en réseau (SNCF,
GDF, EDF) et renationalisation de ces sociétés.
- Lancement d’une politique industrielle visant au renforcement des gains de
productivités et à des grands projets d’investissement.

Confrontées à une telle politique, les options de nos partenaires sont très limitées.

1- La BCE peut décider d’augmenter brutalement ses taux pour « combattre » le
risque inflationniste français. Mais d’une part une telle position se heurtera à
l’opposition de très nombreux pays et de l’autre, nous aurions toujours la
possibilité de faire escompter des obligations privées par la Banque de France à un
taux préférentiel. Ceci rétablirait un taux d’intérêt « français », qui pourrait être
défini en étroite collaboration par la Banque de France et le Ministère de
l’Industrie.

2- Une condamnation de la politique française est possible, mais ne serait d’aucun
effet. Des mesures d’amendes (qui devraient être entérinées par la cour de
Luxembourg) pourraient être immédiatement compensées par des retenues sur
notre contribution au budget européen.

3- Des mesures « protectionnistes » contre la France : outre que ceci irait contre toute
la politique de l’Union Européenne et sa philosophie même, elles attireraient
immédiatement des mesures similaires du gouvernement français. N’oublions pas
que la France est un point de passage obligé pour une partie du commerce intraeuropéen.
Un effet de dissuasion empêcherait la mise en application de telles
mesures.

On s’aperçoit rapidement que la zone Euro est désarmée face à une telle politique (sans parler
des effets d’imitation qu’elle pourrait engendrer). En fait, c’est la réédition de la situation de
1992-1993 lors de la dissolution de l’URSS où la Banque Centrale de Russie s’est trouvée
désarmée face à la politique menée par les banques centrales des pays de la CEI au sein de la
zone Rouble. La solution de la BCR a été de dissoudre la zone Rouble.

De fait, la menace la plus importante serait celle d’une sortie de l’Euro de l’Allemagne et de
ses alliés (Autriche, Danemark, Pays-Bas, Finlande). Quelle en serait la conséquence ? Si
l’Allemagne met à exécution sa menace, c’est elle qui dissout la zone Euro et qui se prive de
l’accès garanti aux marchés des grands pays (Espagne, France et Italie) sans risque de
dévaluation. Notons qu’une zone DM reconstituée serait affectée par un fort mouvement
haussier important de son taux de change que ce soit par rapport au Dollar ou aux autres
monnaies….

Il y a donc gros à parier que l’Allemagne réfléchira à deux fois avant de mettre sa menace à
exécution. Mais, si elle le fait, nous sommes néanmoins gagnant (option 2). Il nous faudrait
alors nous rapprocher de l’Espagne et de l’Italie pour trouver un accord sur des parités
respectives de nos monnaies sous conditions :

- D’un contrôle des capitaux communs pour que les monnaies ne soient plus victimes
des spéculations.
- De fluctuations concertées.
- De dévaluations différentielles tous les ans ou les deux ans si nécessaire.

Il convient dès lors de se préparer à une possible explosion de la zone Euro (par l’introduction
de contrôles de capitaux importants en mettant la cellule TRACFIN à contribution pour ce
faire). En cas d’explosion de la zone Euro, cela nous permettrait de pratiquer des taux
d’intérêts administrés.

De ce point de vue, le discours qui commence à se répandre sur une « sortie de l’Euro » est
très avantageux car il conforte nos partenaires dans l’opinion que la France est réellement
prête à assumer un éclatement de la zone Euro. Il contribue à construire notre crédibilité.
Les failles du traité de l’UEM sont aujourd’hui évidentes. Les défauts de l’Euro sont bien
connus et ne sont pas contestables. Nous avons la possibilité de forcer la main à nos
partenaires pour réviser en profondeur le fonctionnement de la zone Euro et, à terme, la
transformer en une monnaie commune. Il faut mettre la crise de notre côté en menant une
politique qui ne laisse à nos partenaires que le choix entre accepter nos positions ou provoquer
la dissolution de la zone Euro dans des conditions qui leur seraient très défavorables.

Retrouvez les parties précédentes de cet article par ici :

- Jacques Sapir : pourquoi la France ne doit pas copier l'Allemagne (1) 
- Jacques Sapir : pourquoi la France ne doit pas copier l'Allemagne (2) 
- Jacques Sapir : pourquoi les politiques d'ajustement vont échouer (3)

Vendredi 18 Février 2011
Jacques Sapir - Economiste

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