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Peut-on retirer 500.000 euros d'un coup?
par Annabelle Laurent

Au nom de quoi une banque peut-elle refuser un retrait à un titulaire d'un compte pourtant suffisamment approvisionné? Quelle somme maximum pouvez-vous retirer à votre distributeur? Faut-il prévenir en avance? Quels sont les mécanismes de contrôle en cas d'une demande jugée anormalement élevée?
«Vous avez atteint le maximum autorisé»
Vous ne connaissez peut-être pas son montant exact, mais une chose est sûre, si vous possédez une carte bancaire, vous avez un plafond de retrait: calculé de façon journalière, hebdomadaire (le plus souvent) et mensuelle, il a été déterminé en accord avec votre banquier lors de votre souscription, et précisé dans votre contrat de carte bancaire.Cela dit, ce plafond de retrait de carte de crédit est modifiable, il peut être relevé (ou baissé) si vous obtenez l'accord de votre conseiller bancaire. Fréquemment plus élevé (soit en valeur, soit en fréquence) pour les retraits d'espèces aux distributeurs de votre propre banque, il est aussi légèrement supérieur pour vos retraits à l'étranger.
Il est proportionnel aux revenus, car de vos revenus dépend votre carte...
De 3000 à 15 000 euros par semaine
...et de votre carte dépend automatiquement votre plafond de retrait.Prenons l'exemple de la Société Générale. Si vous possédez la carte la plus basique, votre plafond, dans la limite du solde disponible de votre compte, est fixé à 3.050 euros maximum par période de 7 jours. Et à seulement 300 euros pour 7 jours dans les distributeurs des autres banque en France.
En revanche si vous possédez la carte la plus «prestige» qui soit proposée par cette banque -que vous obtenez si votre salaire net est supérieur à 60.000 euros net/an, votre plafond, dans la limite du solde disponible de votre compte, est fixé à 15.000 euros maximum par période de 7 jours sans dépasser, et seulement 1.500 euros par période de 7 jours dans les distributeurs des autres banques en France.
Pourquoi un plafond de retrait?
Il pourrait paraître abusif en soi qu'une banque puisse refuser un retrait à un titulaire d'un compte pourtant suffisamment approvisionné.Mais il faut bien comprendre que pour la banque, ce n'est pas seulement une question de solvabilité de son client: il ne suffit pas de vérifier qu'il dispose d'une provision suffisante sur son compte. C'est aussi -et surtout- une question de disponibilité des fonds. Qu'un compte affiche une provision de 300.000 euros ne signifie pas que la banque peut sortir du jour au lendemain une telle somme en liquide. Car pour ceux qui en douteraient encore, les réserves d'une banque sont dématérialisées, ses chambre fortes ne ressemblent pas à ça.
Le plafond de retrait est particulièrement justifié en cas de crise, quand les clients, qui ont perdu confiance en leur banque, sont plus que jamais susceptibles de se présenter au guichet pour demander des retraits immédiats de l'approvisionnement de leur compte en liquide, ce qui entraînerait la faillite de la banque.
Faut-il prévenir en avance pour un retrait important?
Oui, justement pour cette même raison de disponibilité réduite des fonds. Dans la configuration actuelle des agences, tout ayant été automatisé, peu d'opérations se font au guichet: il n'y a donc quasiment plus de liquide qui transite, et les agences n'ont que très peu de liquide disponible. Il faudra donc quelques jours à votre banque pour amasser la somme importante que vous souhaitez retirer.A partir de quelle somme demandée la banque risque t-elle de faire une déclaration de soupçon?
Quand vous tirez 200 euros au distributeur, la banque s'en contrefiche. Mais en cas de gros retrait, la banque is watching you. Depuis le 30 janvier 2009, la législation française impose à l'ensemble des banques de nouvelles obligations de vigilance vis-à-vis de leurs clients dans le cadre de la transposition de la 3e directive européenne sur la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. (cf. Code monétaire et financier art. L.561-1 et s).Si un ou plusieurs de vos retraits lui paraissent suspects, la banque va faire une déclaration de soupçon à TracFin, la cellule française de lutte anti-blanchiment, qui dépend des ministres de l'Économie, de l'industrie et de l'emploi ainsi que du Budget, des comptes publics et de la Fonction publique. Concrètement, elle n'a qu'à remplir une déclaration de soupçon dont le formulaire est accessible sur le site de Tracfin.
Mais dans quels cas?
La loi française ne fixe aucun seuil au delà duquel la banque est obligée de faire une déclaration de soupçon. C'est à la banque de juger en fonction de l'analyse qu'elle a de la situation, et de la connaissance de son client. «La philosophie du système est vraiment basée sur la connaissance du client» assure t-on à Tracfin.
Cette philosophie est nouvelle. Un seuil existait il y a quelques années mais le durcissement de la réglementation anti-blanchiment a conduit à le supprimer: en effet, sans seuil, les banques ont tendance à signaler avec une attention plus scrupuleuse les mouvements qui lui semblent suspects, pour contrer toute potentielle accusation de négligeance (quitte à ce que ces déclarations n'aboutissent pas, comme cela est de plus en plus le cas).
Tout va ainsi dépendre du profil du client et de ses moyens. Si un client à petits revenus, demande brusquement un gros retrait -la quasi totalité de son compten par exemple- il y a de quoi éveiller le soupçon de la banque. Cette situation est appelée «situation atypique».
A contrario une personne très riche qui demande un retrait important ne va pas forcément attirer l'attention, si cela correspond à ses habitudes. Si par exemple Liliane Bettencourt veut retirer 7.000 euros -une somme ridicule pour elle!- la banque n'y verra aucune raison d'être suspicieuse.
Enfin, il faut savoir que quand la banque informe Tracfin, pour que le contrôle des potentiels mouvements suspects soit efficace, le client n'en a pas connaissance.
Et après?
Quand Tracfin reçoit la déclaration de soupçons, une équipe d'analystes décide de pousser ou non les investigations. Avec l'appui de tout un panel de professions assujetties au dispositif de lutte contre le blanchiment: assureurs, notaires, etc...comme cela est précisé dans l'article 561-2 du Code monétaire et financier.S'il faut pousser l'investigation, la déclaration de soupçon sera transmise soit au Fisc, s'il est considèré qu'il peut y avoir blanchiment de fraude fiscale (définie selon 16 critères définis en juillet 2009), soit au procureur de la République dans la majorité des cas.
Et si la banque ne signale rien, vous êtes tranquille?
La banque a une obligation de vigilance envers toutes les situations considérées comme «atypiques». Elle ne fait pas la déclaration de soupçon pour le plaisir, elle est tenue de le faire.L'Autorité de contrôle prudentiel (ACP) la contrôle. L'ACP est née en janvier 2010 de la fusion de la Commission bancaire, organe collégial chargé de contrôler les établissements de crédit et de sanctionner leur manquement, créé par la loi bancaire de 1984, et de l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM).
Des agents de l'ACP se déplacent régulièrement dans les banques, et contrôlent des comptes pris au hasard. Si l'ACP remarque quelque chose de louche, et s'il n'y a pas eu de déclaration de soupçon, la banque est en tort et peut être sanctionnée, comme cela a été le cas de la Bred Banque Populaire, condamnée en mars 2010 à verser une «sanction pécuniaire» de 200.000 euros pour les «carences» de son dispositif de lutte contre le blanchiment d'argent. On lui reproche notamment de n'avoir pas signalé certains «mouvements financiers atypiques» à Tracfin.
Si la banque ne vous laisse pas retirer 500.000 euros, ne lui en voulez pas, pensez plutôt qu'elle est contrôlée par Tracfin, lui-même aux ordres du gouvernement et surveillé par l'Autorité de contrôle prudentiel, qui ne lui laisse rien passer.
Annabelle Laurent
Photo: Des euros factices dans un commissariat de Madrid, Reuters Photographer / Reuters
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Liens:
[1] http://www.marianne2.fr/Exclusif-Mme-Bettencourt-voulait-500-000-euros-en-liquide_a195595.html
[2] https://particuliers.societegenerale.fr/essentiel_quotidien/cartes/carte_bleue_v_pay.html
[3] https://particuliers.societegenerale.fr/essentiel_quotidien/cartes/carte_visa_infinite/en_detail.html
[4] http://www.quebecoislibre.org/09/picsou09b.jpg
[5] http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=7D6F15A0165DF1760C4B3326782453C2.tpdjo14v_1?idSectionTA=LEGISCTA000020196596&cidTexte=LEGITEXT000006072026&dateTexte=20100901
[6] http://www.tracfin.bercy.gouv.fr/
[7] http://www.tracfin.bercy.gouv.fr/form_declar.htm
[8] http://www.tracfin.bercy.gouv.fr/declarants.htm
[9] http://www.tracfin.bercy.gouv.fr/declarants.htm#dansquelscas
[10] http://www.slate.fr/story/25115/bettencourt-banier-cest-la-richesse-quon-assassine
[11] http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=992FA8E39BB38C550CCD84151987007C.tpdjo14v_1?idSectionTA=LEGISCTA000020196698&cidTexte=LEGITEXT000006072026&dateTexte=20100901
[12] http://www.etudes-fiscales-internationales.com/media/02/01/404421122.pdf
[13] http://www.banque-france.fr/acp/index.htm
[14] http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_bancaire_de_1984
[15] http://www.leparisien.fr/flash-actualite-economie/lutte-contre-le-blanchiment-la-bred-sanctionnee-pour-carences-21-03-2010-857362.php
[16] http://www.slate.fr/source/annabelle-laurent
[1] http://www.marianne2.fr/Exclusif-Mme-Bettencourt-voulait-500-000-euros-en-liquide_a195595.html
[2] https://particuliers.societegenerale.fr/essentiel_quotidien/cartes/carte_bleue_v_pay.html
[3] https://particuliers.societegenerale.fr/essentiel_quotidien/cartes/carte_visa_infinite/en_detail.html
[4] http://www.quebecoislibre.org/09/picsou09b.jpg
[5] http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=7D6F15A0165DF1760C4B3326782453C2.tpdjo14v_1?idSectionTA=LEGISCTA000020196596&cidTexte=LEGITEXT000006072026&dateTexte=20100901
[6] http://www.tracfin.bercy.gouv.fr/
[7] http://www.tracfin.bercy.gouv.fr/form_declar.htm
[8] http://www.tracfin.bercy.gouv.fr/declarants.htm
[9] http://www.tracfin.bercy.gouv.fr/declarants.htm#dansquelscas
[10] http://www.slate.fr/story/25115/bettencourt-banier-cest-la-richesse-quon-assassine
[11] http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=992FA8E39BB38C550CCD84151987007C.tpdjo14v_1?idSectionTA=LEGISCTA000020196698&cidTexte=LEGITEXT000006072026&dateTexte=20100901
[12] http://www.etudes-fiscales-internationales.com/media/02/01/404421122.pdf
[13] http://www.banque-france.fr/acp/index.htm
[14] http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_bancaire_de_1984
[15] http://www.leparisien.fr/flash-actualite-economie/lutte-contre-le-blanchiment-la-bred-sanctionnee-pour-carences-21-03-2010-857362.php
[16] http://www.slate.fr/source/annabelle-laurent
Article L561-15
Modifié par LOI n°2010-853 du 23 juillet 2010 - art. 23 (V)
I.-Les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 sont tenues, dans les conditions fixées par le présent chapitre, de déclarer au service mentionné à l'article L. 561-23 les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent d'une infraction passible d'une peine privative de liberté supérieure à un an ou participent au financement du terrorisme.
II.-Par dérogation au I, les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 déclarent au service mentionné à l'article L. 561-23 les sommes ou opérations dont ils savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent d'une fraude fiscale lorsqu'il y a présence d'au moins un critère défini par décret.
III.-A l'issue de l'examen renforcé prescrit au II de l'article L. 561-10-2, les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 effectuent, le cas échéant, la déclaration prévue au I du présent article.
IV.-Les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 sont également tenues de déclarer au service mentionné à l'article L. 561-23 toute opération pour laquelle l'identité du donneur d'ordre ou du bénéficiaire effectif ou du constituant d'un fonds fiduciaire ou de tout autre instrument de gestion d'un patrimoine d'affectation reste douteuse malgré les diligences effectuées conformément à l'article L. 561-5.
V.-Toute information de nature à infirmer, conforter ou modifier les éléments contenus dans la déclaration est portée, sans délai, à la connaissance du service mentionné à l'article L. 561-23.
VI.-Un décret peut étendre l'obligation de déclaration mentionnée au I aux opérations pour compte propre ou pour compte de tiers effectuées par les personnes mentionnées aux 1° à 7° de l'article L. 561-2 avec des personnes physiques ou morales, y compris leurs filiales ou établissements, domiciliées, enregistrées ou établies dans l'ensemble des Etats ou territoires dont les insuffisances de la législation ou les pratiques font obstacle à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Ce décret fixe le montant minimum des opérations soumises à déclaration.
VII.-Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités de cette déclaration.
II.-Par dérogation au I, les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 déclarent au service mentionné à l'article L. 561-23 les sommes ou opérations dont ils savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent d'une fraude fiscale lorsqu'il y a présence d'au moins un critère défini par décret.
III.-A l'issue de l'examen renforcé prescrit au II de l'article L. 561-10-2, les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 effectuent, le cas échéant, la déclaration prévue au I du présent article.
IV.-Les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 sont également tenues de déclarer au service mentionné à l'article L. 561-23 toute opération pour laquelle l'identité du donneur d'ordre ou du bénéficiaire effectif ou du constituant d'un fonds fiduciaire ou de tout autre instrument de gestion d'un patrimoine d'affectation reste douteuse malgré les diligences effectuées conformément à l'article L. 561-5.
V.-Toute information de nature à infirmer, conforter ou modifier les éléments contenus dans la déclaration est portée, sans délai, à la connaissance du service mentionné à l'article L. 561-23.
VI.-Un décret peut étendre l'obligation de déclaration mentionnée au I aux opérations pour compte propre ou pour compte de tiers effectuées par les personnes mentionnées aux 1° à 7° de l'article L. 561-2 avec des personnes physiques ou morales, y compris leurs filiales ou établissements, domiciliées, enregistrées ou établies dans l'ensemble des Etats ou territoires dont les insuffisances de la législation ou les pratiques font obstacle à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Ce décret fixe le montant minimum des opérations soumises à déclaration.
VII.-Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités de cette déclaration.
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