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27.07.2010
Communiqué du Greffier
Décision sur la recevabilité
IRRECEVABILITÉ D’UN GRIEF CONCERNANT UNE SOMME INFÉRIEURE À 1 EURO
A l’unanimité :
Requête irrecevable
Principaux faits
Le requérant, Vladimir Korolev, est un ressortissant russe né en 1954 et habitant à Orenbourg. Il assigna en justice le directeur du département des passeports et visas de la direction régionale du ministère de l’Intérieur, qui l’avait empêché d’avoir accès à des documents concernant un retard dans la délivrance de son nouveau passeport international. Les tribunaux lui donnèrent gain de cause et ordonnèrent qu’on lui donnât accès à tous les documents et matériaux relatifs à la délivrance de son passeport et qu’on lui versât 22,50 roubles russes (soit moins d’un euro) au titre des frais de justice.
Le dossier n’indique pas clairement si et quand M. Korolev a eu accès aux documents en question mais toutes les démarches ultérieurement entreprises par lui ne visaient qu’à l’obtention du versement des 22,50 roubles. En juillet 2002, il obtint un ordre d’exécution et, en avril 2003, les huissiers entamèrent la procédure d’exécution forcée afin que cette somme lui soit payée. Lorsque, quelques mois plus tard, M. Korolev se plaignit devant le juge de l’inactivité des huissiers, son grief fut rejeté pour défaut de fondement.
Griefs, procédure et composition de la Cour
M. Korolev se plaignait du non-versement par les autorités russes des 22,50 roubles que les tribunaux nationaux lui avaient accordés. Il invoquait l’article 6 (droit à un procès équitable) et l’article 1 du Protocole no 1 (droit à la protection de la propriété).
La requête a été introduite le 27 juillet 2004.
La décision sur la recevabilité a été rendue par une chambre composée des sept juges suivants :
Christos Rozakis (Grèce), président,
Anatoly Kovler (Russie),
Elisabeth Steiner (Autriche),
Dean Spielmann (Luxembourg),
Sverre Erik Jebens (Norvège),
Giorgio Malinverni (Suisse),
George Nicolaou (Chypre), juges,
ainsi que de Søren Nielsen, greffier de section.
Décision de la Cour
La Cour juge qu’il y a lieu d’examiner tout d’abord si le grief soulevé par M. Korolev satisfait aux nouveaux critères de recevabilité instaurés depuis l’entrée en vigueur, le 1er juin 2010, du Protocole no 14 à la Convention, qui prévoit que toute requête doit être déclarée irrecevable si « le requérant n’a subi aucun préjudice important, sauf si le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles exige un examen de la requête au fond et à condition de ne rejeter pour ce motif aucune affaire qui n’a pas été dûment examinée par un tribunal interne ».
Préjudice important
La Cour examine tout d’abord si le requérant a subi un dommage important. Elle rappelle que les nouveaux critères de recevabilité sont censés lui permettre de traiter plus rapidement les affaires à caractère futile et, ainsi, de se concentrer sur sa mission essentielle, qui est d’assurer au niveau européen une protection juridique en matière de droits de l’homme. Elle estime qu’un « préjudice important » ne peut être défini de manière exhaustive et qu’il lui incombe d’établir des critères objectifs aux fins de l’application de la nouvelle règle.
La Cour relève ensuite que la violation d’un droit, quelle que soit sa réalité d’un point de vue strictement juridique, doit atteindre un seuil minimum de gravité pour justifier un examen par une juridiction internationale. Ce seuil doit être apprécié au cas par cas, en fonction de l’ensemble des circonstances de l’espèce. La Cour est frappée de constater que les griefs de M. Korolev se limitent expressément au défaut de versement d’une somme équivalente à moins d’un euro. Certes, même une modeste indemnité pourrait avoir de l’importance pour certaines personnes en raison de leur situation personnelle ou de l’économie du pays ou de la région où elles vivent. Cependant, moins d’un euro est un montant manifestement négligeable qui n’a quasiment aucune importance pour M. Korolev.
Consciente qu’une violation de la Convention peut concerner une importante question de principe et causer ainsi un préjudice important sans avoir pour autant une incidence patrimoniale, la Cour constate que M. Korolev ne se plaint que du défaut de versement à lui d’une somme inférieure à un euro au titre des dépens. Il n’invoque pas son droit légitime à consulter son dossier au département des passeports et visas et ne tire pas non plus grief de l’inexécution du jugement du tribunal national concernant son droit d’accès à ce dossier.
La Cour en conclut que M. Korolev n’a pas subi de préjudice important.
Respect des droits de l’homme
La Cour estime que le respect des droits de l’homme n’appelle pas à un examen sur le fond de la requête de M. Korolev. Elle rappelle s’être prononcée auparavant à de nombreuses reprises sur des litiges concernant l’inexécution de décisions de justice internes en Russie et sur la nécessité d’adopter des mesures générales pour empêcher les violations futures qui en résultent. Un examen sur le fond de la requête de M. Korolev n’apporterait rien de nouveau et serait donc inutile.
Examen par un tribunal interne
La Cour estime enfin que l’examen par elle de la question de savoir si la demande de M. Korolev a été dûment examinée par un tribunal interne s’inscrit dans son objectif de garantir que chaque cas soit apprécié par le juge de manière à éviter le déni de justice. Elle constate que cette demande a été examinée par deux niveaux de juridiction, que M. Korolev a obtenu gain de cause et que ses demandes ultérieures ont été rejetées pour non-respect des règles procédurales internes. Aussi y a-t-il eu un contrôle adéquat du juge à l’échelon national.
La Cour, ayant ainsi examiné cette requête à l’aune des trois conditions établies par les nouveaux critères de recevabilité, la déclare irrecevable.
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La décision n’existe qu’en anglais. Rédigé par le greffe, le présent communiqué ne lie pas la Cour. Les textes de la décision est disponible sur le site Internetde la Cour.
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La Cour européenne des droits de l’homme a été créée à Strasbourg par les États membres du Conseil de l’Europe en 1959 pour connaître des allégations de violation de la Convention européenne des droits de l’homme de 1950.
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