
AFFAIRE UBS 14:29
«
Je devais m’assurer que Peter Kurer n’enterre pas l’affaire»
Dans un entretien accordé au «Temps», l’ancien gérant d’UBS Brad Birkenfeld revient sur les raisons qui l’ont poussé à dénoncer les activités américaines de la banque suisse
Le Temps: Quand avez-vous décidé de dénoncer les activités américaines d’UBS?
Brad Birkenfeld: L’idée m’est venue quand j’ai découvert un document de trois pages sur l’intranet d’UBS. Ce document contredisait tout ce que l’on faisait aux Etats-Unis; indiquant que nous n’avions pas le droit de démarcher des clients, ou de leur vendre des services ou des produits. C’était pourtant ce qu’on nous disait de faire! J’ai immédiatement écris au département juridique pour demander des explications.
– Que s’est-il passé?
– Mes collègues étaient très inquiets. J’étais le seul à avoir le courage de poser des questions. La plupart des employés travaillaient chez UBS depuis longtemps, ils avaient leur hypothèque chez UBS, leur salaire, leur bonus, leurs économies étaient en actions UBS. La banque les intimidait. Pas moi. Mais je n’avais aucune réponse! Tous les mois je renvoyais mes questions. Au final, j’ai soumis ce document à deux études d’avocats à Genève. Après une semaine, tous deux m’ont conseillé de démissionner parce que ce document contredisait mon contrat de travail. J’ai quitté la banque en octobre 2005. Un an plus tard, voyant que mes avertissements n’avaient débouché sur rien, j’ai écris directement à Peter Kurer, qui a promis d’ouvrir une enquête.
– Vous étiez en conflit avec votre ancien employeur au sujet de votre bonus. Avec les informations dont vous disposiez, il devait être tentant de faire chanter la banque…
– Vous pouvez le voir comme ça, mais je n’ai jamais demandé plus d’argent que ce qu’ils me devaient légalement.
– Quand avez-vous décidé d’avertir les autorités américaines?
– Quand j’ai rencontré l’équipe qui enquêtait sur ce que j’avais dénoncé, j’ai tout de suite compris que Peter Kurer ne cherchait en fait qu’à enterrer l’affaire. C’est à ce moment que j’ai décidé de me retourner vers les autorités américaines, d’abord auprès du Département de la Justice, puis de l’IRS (ndlr: le fisc américain) et enfin auprès de la commission d’enquête du Sénat qui s’intéressait depuis longtemps aux paradis fiscaux, dont la Suisse.
– Comment vous y êtes-vous pris?
– J’ai mené ma propre enquête pendant des mois. J’ai engagé une étude d’avocats aux Etats-Unis, mais je devais être très discret dans mes contacts depuis la Suisse. J’appelais depuis des cabines téléphoniques, je faxais des documents depuis des hôtels. J’avais un appartement à Genève et un chalet à Zermatt. Pour me rendre aux Etats-Unis, je brouillais les pistes en passant par Boston avant de prendre un vol intérieur vers Washington. Je devais m’assurer qu’UBS ne puisse pas enterrer l’affaire à nouveau.
– Les choses n’ont pas tourné comme vous l’espériez…
– Mon erreur a été de m’adresser au Département de la Justice (DoJ). Avec mes avocats, nous pensions qu’ils soutiendraient ma démarche; en fait ils étaient agressifs et hostiles. Les autres autorités que j’ai approché par la suite se sont montrées beaucoup plus accueillantes, autant la commission du Sénat que le régulateur boursier, la SEC, et l’IRS. Le Sénat a accepté de me faire témoigner sous mandat, ce qui me libérait de mes obligations légales de confidentialité en Suisse. C’était très important pour moi de ne pas violer les lois suisses puisque j’y vivais encore.
Retrouvez l’intégralité de cet entretien dans notre édition de samedi.
Brad Birkenfeld: L’idée m’est venue quand j’ai découvert un document de trois pages sur l’intranet d’UBS. Ce document contredisait tout ce que l’on faisait aux Etats-Unis; indiquant que nous n’avions pas le droit de démarcher des clients, ou de leur vendre des services ou des produits. C’était pourtant ce qu’on nous disait de faire! J’ai immédiatement écris au département juridique pour demander des explications.
– Que s’est-il passé?
– Mes collègues étaient très inquiets. J’étais le seul à avoir le courage de poser des questions. La plupart des employés travaillaient chez UBS depuis longtemps, ils avaient leur hypothèque chez UBS, leur salaire, leur bonus, leurs économies étaient en actions UBS. La banque les intimidait. Pas moi. Mais je n’avais aucune réponse! Tous les mois je renvoyais mes questions. Au final, j’ai soumis ce document à deux études d’avocats à Genève. Après une semaine, tous deux m’ont conseillé de démissionner parce que ce document contredisait mon contrat de travail. J’ai quitté la banque en octobre 2005. Un an plus tard, voyant que mes avertissements n’avaient débouché sur rien, j’ai écris directement à Peter Kurer, qui a promis d’ouvrir une enquête.
– Vous étiez en conflit avec votre ancien employeur au sujet de votre bonus. Avec les informations dont vous disposiez, il devait être tentant de faire chanter la banque…
– Vous pouvez le voir comme ça, mais je n’ai jamais demandé plus d’argent que ce qu’ils me devaient légalement.
– Quand avez-vous décidé d’avertir les autorités américaines?
– Quand j’ai rencontré l’équipe qui enquêtait sur ce que j’avais dénoncé, j’ai tout de suite compris que Peter Kurer ne cherchait en fait qu’à enterrer l’affaire. C’est à ce moment que j’ai décidé de me retourner vers les autorités américaines, d’abord auprès du Département de la Justice, puis de l’IRS (ndlr: le fisc américain) et enfin auprès de la commission d’enquête du Sénat qui s’intéressait depuis longtemps aux paradis fiscaux, dont la Suisse.
– Comment vous y êtes-vous pris?
– J’ai mené ma propre enquête pendant des mois. J’ai engagé une étude d’avocats aux Etats-Unis, mais je devais être très discret dans mes contacts depuis la Suisse. J’appelais depuis des cabines téléphoniques, je faxais des documents depuis des hôtels. J’avais un appartement à Genève et un chalet à Zermatt. Pour me rendre aux Etats-Unis, je brouillais les pistes en passant par Boston avant de prendre un vol intérieur vers Washington. Je devais m’assurer qu’UBS ne puisse pas enterrer l’affaire à nouveau.
– Les choses n’ont pas tourné comme vous l’espériez…
– Mon erreur a été de m’adresser au Département de la Justice (DoJ). Avec mes avocats, nous pensions qu’ils soutiendraient ma démarche; en fait ils étaient agressifs et hostiles. Les autres autorités que j’ai approché par la suite se sont montrées beaucoup plus accueillantes, autant la commission du Sénat que le régulateur boursier, la SEC, et l’IRS. Le Sénat a accepté de me faire témoigner sous mandat, ce qui me libérait de mes obligations légales de confidentialité en Suisse. C’était très important pour moi de ne pas violer les lois suisses puisque j’y vivais encore.
Retrouvez l’intégralité de cet entretien dans notre édition de samedi.
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