euro|topics

Radio Classique



lundi 6 septembre 2010

Sans surprise, les partisans du silence ont une explication: ce déficit est regrettable, mais c’est le prix à payer pour le maintien de la concordance, ce régime naturel de la Suisse où des partis opposés se retrouvent à l’exécutif. Pourtant, ni la Constitution, ni la loi, ni les droits populaires n’obligent à remplacer la politique par l’arithmétique. Rien n’exige que le Conseil fédéral reste une sorte de conseil d’administration élu à la proportionnelle. Aucun dieu n’a condamné la Suisse à se priver d’un vrai gouvernement dessiné par un périmètre politique commun. A ces constats répond alors un soupir: certes, la concordance constitue souvent un lourd handicap pour l’orientation et la qualité de la démocratie suisse, mais, pratique identitaire, c’est le symbole de l’union, la tolérance et la paix voulues par les Confédérés.

Logo

OPINIONS 17:49

«La concordance ou l’amour des conflits sans issue»

PAR FRANÇOIS CHERIX,


(AFP)

 l’occasion des prochaines élections du Conseil fédéral le 22 septembre, le politologue et député socialiste vaudois François Cherix fustige l’inanition d’un gouvernement dont les membres, loin de travailler en équipe pour le bien public, défendent les intérêts de leur parti et minent l’avenir du pays
Miraculeusement, le Conseil fédéral opère un retour en grâce à chaque recomposition. Si vives que soient les critiques contre cet assemblage sans finalités communes, si cruel que soit le manque de vision à l’échelon national, l’ouverture du petit théâtre électoral escamote aussitôt la réalité avec autant d’efficacité qu’un lever de rideau sur une comédie récréative. D’un coup, les problèmes s’évanouissent. La Suisse, qui prétend se méfier de la personnalisation du pouvoir, disserte à l’infini sur la nature des personnes. Les élus, qui se disent pragmatiques, s’enflamment pour un improbable jeu de chaises musicales sans même se demander quelle est la nature de la table et pourquoi il convient de tourner autour.
L’année en cours offre une démonstration exemplaire de ce rétablissement magique. La crise UBS, le collapsus du secret bancaire, les tribulations libyennes, l’impasse européenne, la gifle du référendum LPP, les jets de mitraille entre départements avaient fini par convaincre les plus conservateurs que le système méritait examen. Le débat s’installait; les propositions s’affinaient; le Conseil fédéral lui-même se disait saisi du problème. Il a suffi que des vacances se profilent pour que toute lucidité disparaisse. L’élection du 22 septembre se prépare sans un mot sur ce sujet, ni d’ailleurs sur les grands dossiers. La Confédération peut renouveler un tiers de son gouvernement sans aborder les questions de fond qui, précisément, rendent un renouvellement souhaitable.
Sans surprise, les partisans du silence ont une explication: ce déficit est regrettable, mais c’est le prix à payer pour le maintien de la concordance, ce régime naturel de la Suisse où des partis opposés se retrouvent à l’exécutif. Pourtant, ni la Constitution, ni la loi, ni les droits populaires n’obligent à remplacer la politique par l’arithmétique. Rien n’exige que le Conseil fédéral reste une sorte de conseil d’administration élu à la proportionnelle. Aucun dieu n’a condamné la Suisse à se priver d’un vrai gouvernement dessiné par un périmètre politique commun. A ces constats répond alors un soupir: certes, la concordance constitue souvent un lourd handicap pour l’orientation et la qualité de la démocratie suisse, mais, pratique identitaire, c’est le symbole de l’union, la tolérance et la paix voulues par les Confédérés.
Hélas, cette admirable illusion ne résiste pas à l’observation des faits. En réalité, la concordance réduite à l’arithmétique c’est la guerre, sans répit et sur tous les détails. Deux carences maintiennent tous les conflits ouverts. D’une part, il n’existe pas de choix programmatique vaste et durable entériné par une décision; jamais rien d’important n’est tranché. Au contraire, les grands thèmes de la vie publique sont décomposés en petits accords sectoriels, contredits par d’autres facettes du problème sources de nouvelles batailles. L’absence de décision large et claire ne permet pas de souffler; et la paix des braves reste insaisissable. D’autre part, il n’existe pas de camp constitué en charge du pays; sur chaque dossier, l’ami d’hier peut devenir l’ennemi de demain. L’absence de contrat de législature oblige les partis à guerroyer, louvoyer, truquer chaque jour; et la paix des esprits ne règne jamais.
Au Conseil fédéral, la juxtaposition de convictions incompatibles sous les spots des médias et face aux attentes légitimes des citoyens rend par nature la vie impossible. Pourquoi un ministre élu pour développer les investissements devrait-il pactiser avec son collègue choisi pour couper les ailes de l’Etat? Leurs mandats n’ont-ils pas la même légitimité? L’intérêt du pays ne transcende pas les clivages partisans; concept subjectif, il génère des objectifs contradictoires selon que l’on appartient à la droite nationaliste ou au parti socialiste. La collégialité ne crée pas de la convergence; règle fonctionnelle, elle se contente d’organiser la coexistence des antagonismes et leur représentation extérieure. Dans le système actuel, un bon conseiller fédéral est celui qui protège son département des six autres; jouer le jeu d’une équipe qui n’existe pas n’a pas d’intérêt. A l’inverse, manœuvrer ses collègues pour sécuriser son action et grandir sa cause constitue l’aptitude clé pour réussir. Plus les partis au pouvoir divergent, plus les sept départements deviennent sept places fortes, avec leur pont-levis, leurs obusiers, leurs trésoreries, leurs ambassadeurs, leurs conseillers et leurs traîtres.
Au Parlement, la concordance entretient une guérilla de tous contre tous sur le moindre objet. Les géométries variables désintègrent le débat d’idées et la cohérence des engagements. Les déclarations tortueuses destinées à masquer le prochain coup rendent le jeu illisible. Cette nanopolitique belliqueuse ruine la confiance des citoyens. Pourtant, peu d’élus s’en plaignent, tant les bénéfices pervers de cette confusion organisée sont considérables.
Tout d’abord, l’irresponsabilité est générale. Aucun parti ne porte la législature. Chacun peut revendiquer son statut de minoritaire pour se disculper. Appartenir à la droite majoritaire n’empêche nullement de revendiquer sa différence, fustiger ses concurrents et déplorer l’échec de ses solutions propres. Au final, chacun se lave les mains d’une politique fédérale limitée à la résultante plus ou moins aléatoire des disputes en cours. Deuxièmement, la nécessité de formuler un projet global pour le pays disparaît. Nul n’a d’exigence de résultat; personne n’est confronté au destin de la Suisse. Les slogans et l’idéologie suffisent à des bannières que le système incite à défendre en priorité leurs thèmes spécifiques, leurs clientèles et leurs départements. Enfin, sécurité délicieuse, la compréhension du jeu est réservée aux initiés. Dans la discorde structurelle de la concordance arithmétique, le primat de la tactique sur le fond donne l’avantage aux joueurs d’échec et aux jongleurs. Le dessous des cartes n’apparaît jamais à l’opinion, obligée de se demander chaque jour si un chef de parti pense ce qu’il dit ou doit préconiser le contraire de ce qu’il souhaite en raison de la disposition des pièces sur l’échiquier.
Pourtant, un gros nuage menace le confort de l’indécision permanente. Les citoyens sont fatigués de contempler un mélange hypocrite de fausses harmonies et de fausses concurrences, où le pouvoir ne parvient pas à dire son nom et ses buts. La lassitude est telle que l’élection du Conseil fédéral par le peuple gagne du terrain, alors que, précisément, elle graverait dans le marbre l’insignifiance politique de l’exécutif. La Suisse perdrait définitivement la possibilité d’avoir à sa tête une équipe cohérente. Elle devrait se contenter à jamais d’une addition d’élus provenant de partis antagonistes, sans programme ni langages communs. Cette «cantonalisation» de la Confédération scellerait son renoncement à la qualité d’Etat moderne, susceptible de conduire des politiques extérieures et intérieures dépassant l’arbitrage ou les plans comptables.
Exister, c’est choisir. La Suisse déteste tant choisir qu’elle s’accommode volontiers de son inexistence. Mieux, elle y travaille, en cultivant une concordance creuse, dont les mille guerres picrocholines masquent les vrais enjeux et dispensent des résolutions fortes. Toutefois, le doute s’est installé. Qui voit encore dans le régime actuel un atout pour l’avenir? Comment participer à l’organisation de notre continent et du monde avec une conduite de l’Etat intentionnellement faible? Quelles réponses donner aux citoyens que le petit théâtre du 22 septembre n’amuse plus? L’aura des équilibristes s’estompe; le prestige des porte-drapeaux diminue; le besoin d’une coalition fondée sur une conscience historique grandit. Le temps s’approche où la qualité d’un candidat au Conseil fédéral ou d’un chef de parti ne se mesurera plus au brio de ses manipulations, mais à la profondeur de ce qu’il saura dire et penser.




Aucun commentaire:

Combats pour les droits de l'homme (CPDH)

Journal d'un avocat


La Russie d'Aujourd'hui

Opinions - La Russie d'Aujourd'hui

La Tribune.fr - Actualité

Atlantico.fr

Romandie

La Chronique Agora

Reporterre

Jean-Pierre CHEVALLIER

le blog a lupus...un regard hagard sur l'écocomics et ses finances....

Démystifier la finance

Olivier Demeulenaere - Regards sur l'économie

Blog gaulliste libre

Forum Monétaire de Genève

Les-Crises.fr

Changes & matières premières

Blog de Paul Jorion

Olivier Crottaz

Le blog de Bruno Colmant

Fair Trade

Buzness

Les cracks en action

Lu Pour Vous

Blog de Marc Candelier

Institut des Libertés

Argent Or Europe (Edito.)

Flore Vasseur Blog

Archives du blog


συνολική επισκεψιμότητα


France Radios


This Day in History



DW-WORLD.DE Greek

Ρωσία ΤΩΡΑ

ΑΠΟΨΕΙΣ - Ρωσία ΤΩΡΑ

ΡΩΣΙΑ ΣΤΟΝ ΚΟΣΜΟ - Ρωσία ΤΩΡΑ


Taxheaven - Νέα ειδήσεις

Taxheaven - Νέες αποφάσεις

TO BHMA Οικονομία

Μωρίας Εγκώμιον

Ε.Μ.ΠΡΟ.Σ. για αναπτυξη

ΔΙΚΤΥΟ - ΔΙΟΔΩΡΟΣ

EuroCapital

CYNICAL

Η ΝΑΥΤΕΜΠΟΡΙΚΗ : NEWSROOM

Capital.gr -- Σιωπητήριο

TO BHMA Κόσμος

Πολιτική

TO BHMA Γνώμη

Επιστήμη

Rizospastis: World stories

ΙΣΤΟΛΟΓΙΟΝ

E-Lawyer

ΝΕΕΣ ΑΝΑΡΤΗΣΕΙΣ απο ελληνικούς ιστοτόπους


Le Monde diplomatique

Courrier international - L'anticipation au quotidien

Coulisses de Bruxelles, UE

euronews

Le Monde.fr : à la Une

Opinions - Le Monde.fr

Economie - LeMonde.fr

Le Point.fr : Monde

Les Echos - actualité à la Une des Echos.fr

TV5.org info - Economie/finances

Le Point.fr : Economie



Nouriel Roubini Economic Doom Blog

NYT > Greece

Επιλογή απο αγγλόφωνους ιστοτόπους


Ανοικτή Διακυβέρνηση www.opengov.gr

curia.europa.eu

Google News Greece

Capital.gr -- Με Άποψη

H KAΘHMEPINH : MONIMEΣ ΣTHΛEΣ

GreekBloggers.com

EMSC - Last 60 earthquakes worldwide


Lalibre.be - La Une

LeTemps.ch | Actualité

WWF Ελλάς

Ο καιρός στην Ελλάδα απο το Metar.gr


Ηλεία ειδήσεις ενηέρωση Αθλητικά νέα του Ν.Ηλείας επιχειρήσεις νομού Ηλείας Πύργος

ΤΑΜΕΙΟ ΝΟΜΙΚΩΝ

Membres

Avocats de France | CNB | Conseil National des Barreaux | Toute l'actualité des avocats

le Village de la Justice - Le 1er site de la communauté des professions du Droit

Derniers articles juridiques

Derniers sujets du forum