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jeudi 17 février 2011


Jacques Sapir: Pourquoi les politiques d'ajustement vont échouer (3)

Après s'être attaché à montrer que la perte relative de compétitivité de la France via-à-vis de l'Allemagne trouvait sa source dans le transfert de charges des entreprises sur les ménages, la fameuse TVA sociale à l'allemande, Jacques Sapir décortique les effets de la politique d'ajustement. En réponse à la crise, sous l'impulsion de l'Allemagne, c'est le choix de la rigueur qui s'est imposé. Un choix que critique le professeur de l'EHESS.



(Flickr - marfis75 - cc)
La crise financière, crise de dette privées s'est transformée en crise de la dette publique. Sous le double effet de la récession qui a grevé les recettes fiscales des états tout en augmentant la charge des dépenses sociales, et du sauvetage des banques gourmands en milliards de dollars, les comptes publiques ont viré au rouge. Au sommet du 4 février, les Etats de la zone euro se sont engagés à stabiliser leur dette en pourcentage de leur PIB. Au risque d'étouffer la reprise qui se fait attendre. Comme le montre les derniers chiffres de la croissance, ce pari ne semble pas en passe d'être gagnant. Au contraire, l'atonie de l'activité dans la plupart des pays européens laisse entrevoir un tout autre scénario. Celui que décrit Sapir : la croissance tuée dans l'œuf induira une hausse du ratio dette sur PIB, lequel propulsera les taux d'intérêts encore plus haut, rendant inaccessible l'objectif d'équilibre. Si pour l'heure, décrit Sapir, l'Allemagne et la Belgique sortent leur épingle du jeux, la faiblesse de leur partenaire de la zone euro ne pourra qu'être contagieuse.
Il s'agit donc d'élaborer, au regard de cette nouvelle donne, de nouvelles stratégies pour la gestion de la monnaie unique.  

Il faut maintenant s’interroger sur les effets des politiques d’ajustements que les pays de la
zone Euro se sont engagés à conduire pour réduire – ou à tout le moins stabiliser – leurs
déficits publics. Ces politiques ont été en un sens « consolidées » par la proposition franco-allemande
au sommet européen du 4 février dernier, qu’il faut aussi prendre en compte, dans
sa réalité comme dans ses effets d’annonce.

Le choc d’ajustement

Les pays de la zone Euro ont annoncé leur intention de stabiliser le niveau de leur dette
publique en pourcentage du PIB. Ceci implique cependant qu’ils puissent maîtriser tout à la
fois le taux de croissance et l’évolution des intérêts payés sur la dette accumulée. En fait, c’est
bien la croissance qui apparaît comme le déterminant le plus important dans ce domaine. Or,
les montants qui ont été indiqués dans le second semestre 2010 sont fondés sur des hypothèses
qui sont loin d’être réalistes. La correction nécessaire des chiffres de la croissance pour 2011
et 2012 impliquent un choc d’ajustement sensiblement plus élevé.

Jacques Sapir: Pourquoi les politiques d'ajustement vont échouer (3)
On voit que si l’ajustement budgétaire est tolérable pour l’Allemagne et la Belgique, il en va
tout autrement pour les autres pays de la zone Euro. Par ailleurs, même si ces pays ne réalisait
que la moitié de l’ajustement nécessaire à la stabilisation de leur dette publique, le choc
cumulé sur la conjoncture économique ne pourrait que réduire encore les perspectives de
croissance, rendant encore plus illusoire la perspective d’un ajustement. Le taux de chômage,
déjà très élevé dans certains de ces pays (20% officiellement en Espagne) va continuer de
monter dans la plupart de ces pays en 2011.

La montée des tensions en Grèce entre le gouvernement et les organisations internationales et
européennes (BCE, Commission Européenne, FMI) vient traduire ce fait (6). En fait, l’Europe se
transformera, pour sauver la zone Euro en une zone de régression sociale et de dépression
économique.

Mais, est-ce que cela sera suffisant ? Il est en réalité très clair que l’on ne pourra stabiliser
avant 2013 la part des dettes publiques en pourcentage du PIB, mais que les politiques qui
seront mises en œuvre pour tenter d’y arriver casseront tout espoir de croissance à partir du
2ème semestre de 2011. Ainsi, nous arriverons au début de l’année 2012 dans une situation
toujours aussi dégradée et avec des marchés financiers qui auront repris leur spéculation.
Celle-ci pourrait culminer au premier trimestre 2012 et rendre indispensable une
restructuration de la dette grecque et irlandaise.

Notons que des stratégies de restructuration ont été proposées dès le second semestre 2010,
pour être rejetées tant par les pays considérés que par les responsables de la zone Euro. S’il
faut, dans ces conditions, malgré tout procéder à ces restructurations au début de 2012 on
imagine aisément ce qui restera de la crédibilité de la zone Euro…

La proposition franco-allemande du 4 février

C’est dans ce contexte que la France et l’Allemagne ont, le 4 février 2011, fait des
propositions communes pour un « pacte de compétitivité ».

Pour ce pacte, point de texte commun, mais une stratégie de communication quelque peu
déroutante. On a eu droit à des rumeurs et des informations sur les grandes orientations d’un
tel pacte de compétitivité qui ont été distillées à petites doses par les agences de presse
nationales DPA et AFP, puis une tribune publiée dans Le Monde par le ministre des Finances
allemand, Wolfgang Schäuble (7).

En fait, le communiqué commun (8) ne parle du mandat confié au conseil ECOFIN (les
ministres des finances de la zone Euro) afin de parvenir d’ici le mois de mars à une
orientation générale concernant la gouvernance économique, orientation établie en
concertation avec la Commission et devant donner naissance d’ici juin 2011 à des mesures
votées au Parlement Européen de renforcer le pacte de stabilité et de croissance. Le
communiqué renvoie alors à la déclaration des chefs d’Etat ou de gouvernement des pays de la
zone Euro, qui s’engagent à rendre plus efficace le Fonds européen de stabilité financière
(FESF), et à poursuivre la bonne mise en œuvre des programmes existants avec la Grèce et
l’Irlande. Or, nous venons de voir que juste 8 jours après ce communiqué, un conflit opposait
la Grèce aux trois institutions garantes du FESF.

En fait, ce communiqué voulait témoigner de la résolution des pays européens. Mais, ces
orientations restent d’une grande incertitude.

Les rumeurs les plus insistantes font mentions de mesures concernant :

- Des objectifs communs en matière d’age de la retraite avec alignement sur
l’Allemagne (67 ans).
- Une suppression des mécanismes d’indexation des salaires (mécanismes existant en
Belgique, au Luxembourg et au Portugal).
- Des objectifs de dettes publiques.
- Des plafonds contraignant en matière de dette publique (une « constitutionnalisation »
de limites en pourcentage du PIB).

Les contradictions n’ont pas manqué d’éclater très rapidement. Non seulement de nombreux
pays se sont élevés contre des mécanismes attentatoires à leur souveraineté, mais – plus
étonnant – on a même vu le président de la Commission, M. Barroso protester devant une
mesure qui lui semble devoir accentuer l’incohérence de la politique européenne (9). En fait ce pacte soulève deux problèmes distincts, mais dont les effets se combinent pour le rendre impraticable.

- Venant de l’Allemagne et de la France, et ressemblant beaucoup à un alignement
complet des positions françaises sur les positions allemandes, il ne peut que susciter la
méfiance et l’antagonisme des « petits » pays qui considèrent que l’Europe et la zone
Euro ne sont pas les jouets du « couple » franco-allemand. De ce point de vue, il a été
présenté de manière maladroite et les oppositions qu’il ne manquera pas de susciter
n’iront qu’en se renforçant.

- Sur le fond, ce pacte organise une régression sociale massive dans les pays de la zone
Euro, leur retirant même la liberté de pratiquer des négociations collectives. La
Confédération européenne des syndicats (CES) a réagi immédiatement avec beaucoup
de force. Elle identifie d’ailleurs à juste raison ce plan comme rédigé en fait à Berlin et
visant à imposer aux pays de la zone Euro le carcan que souhaite le gouvernement
allemand.

On voit bien désormais que la zone Euro, dans son état actuel, est devenu une véritable
machine de guerre sur le plan social pour imposer toujours plus de sacrifices et de régression.
Ici gisent pour l’éternité tous les rêves des socialistes ou socio-démocrates des divers pays
concernant l’Europe sociale (10). Si elle doit se faire, c’est sur la base du moins offrant !
Il faut cependant noter que les possibilités de voir ce programme adopté tel quel sont extrêmement réduites, du fait de l’opposition de nombreux pays. Soit il sera progressivement vidé de sa substance, soit on ira au conflit ouvert lors du sommet européen du mois de mars. La première hypothèse apparaît comme la plus probable, mais au vu des réactions qui montent en Grèce on ne saurait exclure la seconde.
On dira alors, que la zone Euro nous a protégé de la crise. Mais ceci est en réalité complètement faux.

- La zone Euro, du fait de la faible croissance qu’elle a induite et de la
déréglementation en son sein a poussé les banques européennes à chercher des
positions avantageuses hors de la zone euro, jouant ainsi un rôle majeur dans la
contagion de la crise. Si la « crise des subprimes » est devenue une crise
européenne, c’est bien à la zone Euro qu’on le doit.

- Les taux d’intérêts sur les dettes publiques ont littéralement explosé, mais sans
l’effet positif de dévaluations permettant à des pays (comme l’Espagne, la Grèce,
l’Irlande) de retrouver une compétitivité qu’ils ont perdue du fait de la zone Euro
(graphique 6). En fait, ceci condamne toute une partie de la zone Euro à subir une
« double peine » dans la mesure où elle doit faire des efforts considérables pour
maintenir l’Euro (du moins le prétend-on) tout en ne profitant plus de la
convergence des taux d’intérêts, qui était bien la seule que l’on ait connue avant la
crise.

- L’effet déflationniste de la zone Euro tend aujourd’hui à s’accroître avec les
ajustements budgétaires prévus et ne peut qu’enfoncer nos pays dans la crise et le
chômage de masse. Comme nous l’avons indiqué plus haut, ceci retarde la sortie
de crise pour la zone Euro dans son ensemble et fait peser une part
disproportionnée de la responsabilité du retour à la croissance sur les pays
« émergents ».

Loin d’être une solution, l’Euro est bien partie prenante du problème.

Jacques Sapir: Pourquoi les politiques d'ajustement vont échouer (3)
Contrairement à une partie de la gauche, je ne pense pas que l’Euro soit la base de futures
conquêtes sociales. Si une forme de coordination entre monnaies est nécessaire, elle ne doit pas se faire au détriment d’une politique économique tournée vers l’emploi. Or, c’est exactement ce qui se
passe avec l’Euro !

(6) Lefteris Papadimas et Ingrid Melander, « La Grèce dénonce une ingérence de l'UE et du FMI »Le Point, 12 février 2011.

(7) En date du 4 février 2011.

(8) Note de transmission – Conclusions, CO-EUR 2 / Concl-1, Bruxelles, Secrétariat Général du Conseil, 4 février 2011.

(9) Economie, finances et monnaie - Traités et Affaires institutionnelles, « Le "pacte de compétitivité" germano-français s’invite en vedette au Conseil européen », à lire ici. 

(10) Confirmant ainsi le diagnostic de F. Denord et A. Schwartz, L’Europe sociale n’aura pas lieu, Paris, Le Seuil – Raisons d’agir, 2006.

Lire la suite de cet article demain.

Mercredi 16 Février 2011
Jacques Sapir - Economiste

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