
À lire sur Slate.fr
Que veulent dire les mots Roms, Tsiganes et Gens du voyage?
par Grégoire Fleurot

problèmes que posent les comportements de certains parmi les gens du voyage et
les Roms.» La déclaration a suscité les réactions de diverses associations,
comme la Ligue des droits de l’homme qui a dénoncé «une réunion pour stigmatiser une ethnie.» Gens du voyage, Roms, gitans, Tsiganes, romanichels, manouches: de
nombreux mots sont utilisés, dans des contextes différents et souvent de
manière confuse, pour désigner des populations parfois sédentaires, parfois
itinérantes, françaises ou non. Quelle est la différence entre ces termes?
Qui sont les Roms?
L’Union européenne utilise le terme de Roms (ou Roma en anglais), qui signifie «homme»en hindi en «référence à divers groupes d'individus qui se décrivent eux-mêmes comme Roms, Gitans, Gens du voyage,
Manouches, Ashkali, Sinti, etc.», une
population à laquelle elle a déjà consacré deux sommets depuis 2008 pour favoriser son inclusion dans les différents pays membres.
Marcel Courthiade, titulaire de la chaire
de langue et civilisation romani à l'Institut national des langues et
civilisations orientales, approuve cette dénomination générale de Roms
pour désigner les populations qui ont en commun une origine etla langue romani, ou du moins le souvenir de l’usage
de cette langue. D’un point de vue historique, les Roms au sens large ont
été déportés au XIe siècle de la vallée du Gange, en Inde, et a migré
progressivement à travers l’Asie occidentale puis l’Europe jusqu’au début du XXe
siècle. Les premiers Roms sont arrivés en France autour du XVe siècle.
Si l’on accepte cette définition, il y
aurait actuellement en France entre 350.000 à 500.000 Roms,
dont la quasi totalité est de nationalité française, sur un total de 10 à 12 millions dans l’Union européenne. Une idée reçue répandue voudrait que les Roms soient des nomades,
pourtant seulement 2% d’entre eux sont du voyage en Europe.
Tsiganes, manouches, gitans…
L’Union romaniinternationale, une organisation reconnue par les Nations Unies qui défend
les droits, la culture et le langage des peuples romanis, a été crée en 1978 et
témoigne d’une volonté de revendiquer un patrimoine commun. Mais dans plusieurs
pays comme la France, l’Allemagne ou le Brésil, certains Tsiganes ne veulent pas d’une identité
transnationale rom et revendiquent,
au contraire, l’accès à la pleine citoyenneté de la nation qui leur donne leur
identité légale, comme l’explique Marc
Bordigoni, ingénieur de recherche CNRS à l’Institut d’ethnologie méditerranéenne et comparative. Jérôme Weinhard, animateur du pôle juridique de la Fédération
nationale des associations solidaires d'action avec les Tsiganes et les Gens du
voyage (Fnasat), confirme que le choix du terme que l’on utilise
pour désigner cette population est aussi souvent un choix politique.
Plutôt que «Roms», c’est ainsi le terme «Tsiganes» qui est utilisé et
accepté en France pour désigner cette population qui a en commun la langue
romani, et que nous utiliserons pour cet article. Selon Marcel Courthiade, le
mot «tsigane» désignait à l’origine une secte comprenant de nombreux
Arméniens en Asie mineure, disparue au début du XIe siècle, à la
même époque de l’arrivée des Roms, d’où la confusion entre les deux
populations. Mais le terme s’étant vraiment développé lors de l’esclavage des
Roms en Moldavie, et est péjoratif dans de nombreux pays balkaniques et slaves.
Il est réapparu en France après la Seconde guerre mondiale, car il était
utilisé par les nazis.
Les universitaires et les Tsiganes français font une
distinction en limitant le mot «Gitans» aux Tsiganes de la péninsule ibérique
et du sud de la France. Le terme est lui aussi souvent utilisé ou perçu de
manière péjorative. Comme le rappelle Jérôme Weinhard, les mots changent
souvent de sens selon ceux par qui ils sont prononcés ou le contexte dans
lequel ils sont utilisés. Les manouches sont eux une branche de Tsiganes
principalement présents dans l’est de la France depuis le début du XIXe
siècle. Le terme romanichel signifie «le peuple Rom» en romani et serait
théoriquement le meilleur terme à utiliser, mais encore une fois il a acquis
une connotation très péjorative en France.
Pourquoi le terme «Gens du voyage» s’est
imposé dans le vocable administratif français
Les termes «Roms» au sens de l’Unioneuropéenne ou «Tsigane» ne sont pas utilisés par les autorités françaises,
justement parce qu’il qualifie une population sur des bases ethniques, ce qui
est contraire à la constitution. «Gens du voyage» est le terme juridique et
administratif qui désigne une catégorie de personnes dans le droit français.
Cette catégorie administrative recouvre une grande diversité de personnes avec
des situations économiques et des origines très diverses, dont des Français qui
n’ont rien à voir avec les Tsiganes, des gitans etc. Par contre
on n’y compte pas les roms au sens français du terme, qui sont des
ressortissants de l’Union européenne, majoritairement Roumains et Bulgares
arrivés pour la plupart en France après la chute du Mur.
Le terme de «Gens du voyage» est
notamment utilisé dans la loi qui définit les obligations pour les communes de plus de 5.000 habitants de disposer d’aires d’accueil
pour cette population.
La confusion entre les «gens du voyage»
et les Tsiganes vient en partie de cette spécificité française qui interdit à
l’administration de qualifier une partie de la population sur des critères
ethniques. Au début du XXe siècle, le gouvernement français veut surveiller les
Tsiganes qui sont alors victimes des pires préjugés, comme en témoigne cet extrait des débats au Sénat du 10 mars 1911cité par le blog Combat pour les droits de l’homme du Monde, mais
sans utiliser un terme ethnique.
L’appellation «nomades» est alors
officiellement utilisée, et la loi du 16 juillet 1912 leur impose un carnet anthropométrique obligatoire qui contient des informations telles que l'envergure, la longueur et
la largeur de la tête, la longueur de l'oreille droite, la longueur des doigts
médius et auriculaires gauches, celle de la coudée gauche, celle du pied
gauche, la couleur des yeux ou encore la forme du nez.
Plus tard, ce fichage a été utilisé par
le régime de Vichy, qui a interdit le nomadisme et enfermé les nomades,
soupçonnés d’espionnage, dans des camps
d’internement un peu partout en France, alors que
le régime nazi persécutait les Tsiganes à travers l’Europe. Après cette
persécution, le mot «nomades» est devenu inutilisable, et remplacé par le
néologisme «Gens du voyage» avec la loi du 3 janvier 1969, qui remplace
également le carnet anthropomorphique par un livret de
circulation.
Les «gens du voyage» pas d’accord entre eux sur le terme «gens du
voyage»
Si le problème de la dénomination despopulations tsiganes ou romani est si compliqué, c’est aussi parce qu’elles ne
s’accordent pas entre elles sur les termes et leur définition.
Dans une tribune coécrite dans les colonnes de Libération, Stéphane Lévêque, président de la Fnasat, explique également qu’il
s’oppose à l’erreur faite par Nicolas Sarkozy, qui «consiste à identifier
«gens du voyage» et «Roms». Or la première appellation renvoie à une
classification administrative française relative à un mode d’habitat «constitué
de résidences mobiles» (loi du 5 juillet 2000) ; tandis que les
Roms sont des ressortissants des pays de l’Est, sédentaires dans leur grande
majorité.»
Pourtant, un texte
présenté par des représentants d’associations rroms et Tsiganes et des
personnalités de cette communauté à l’Assemblée Nationaledemandait l’abandon de l’utilisation du terme «gens du voyage»:
«En France, l'appellation « gens du voyage» désigne, dans le vocabulaire deUne partie des Tsiganes demande un statut
l’administration et souvent de la population française, notre population. Nous
ne nous reconnaissons pas nous-mêmes sous cette appellation d’un point de
vue humain, culturel et identitaire. Tenant compte de ce qui précède, lorsque
l’appellation “Gens du voyage” se substitue aux mots Tsiganes, Manouches,
Gitans, Roms, Sinté ou Yéniches pour désigner nos populations respectives à
des fins d’hostilité, dépréciatives, discriminatoires, ou racistes à notre
égard, nous exigeons que cet acte soit considéré comme de
l’antitsiganisme et/ou de la tsiganophobie, et soit systématiquement dénoncé
et condamné publiquement par les autorités.»
officiel qui favoriserait «la promotion de notre patrimoine culturel et
linguistique en tant que partie intégrante du patrimoine français», et que «la
contribution de notre population, partie intégrante de la nation française
depuis plusieurs siècles, et active sur les plans culturel, patrimonial,
artistique, industriel, économique, sociologique, spirituel, écologique,
agricole, celui du développement durable etc. soit dûment reconnue et
mentionnée dans les livres scolaires.»
Les divisions au sein même de la
population Rom se reflètent également dans l’attitude vis-à-vis des titres de
circulation des «gens du voyage»: «certains veulent les conserver
tandis que d’autres réclament une carte d’identité avec une adresse fixe»,
explique Pierre Hérisson, qui rajoute que «s’ils pouvaient se mettre
d’accord entre eux cela nous arrangerait tous.»
Si la complexité de la question des vocables des Roms et des Tsiganes
peut pousser à accorder éventuellement un peu d’indulgence aux politiques qui
s’emmêlent les pinceaux dans les termes, elle n’explique pas tous les
amalgames. Le gouvernement français a relayé au niveau européen
ses préoccupations concernant la délinquance des Roms suite aux évènements de Saint-Aignan à travers son secrétaire d'Etat
aux affaires européennes Pierre Lellouche lundi 26 juillet. «Il n'est pas
question de stigmatiser une communauté ou des Etats, a indiqué le ministre.
Mais nous sommes confrontés à un réel problème et le temps est venu de
s'en occuper,» évoquant la forte progression («plus de 150
% à Paris») de certains faits de délinquance commis par des mineurs
roumains. Pierre Lellouche a sans doute oublié que moins de 10% des Roms (au
sens européen et de l’Union romani internationale) de France sont des Roumains,
tandis que les Roms ne représentent qu’une minorité des 120.000 citoyens
roumains habitant en France. Il y a encore du travail…
Grégoire Fleurot
Lire l'article original sur Slate.fr
Liens:
[1] http://www.elysee.fr/president/les-actualites/declarations/2010/declaration-de-m-le-president-de-la-republique.9344.html
[2] http://www.lexpress.fr/actualites/2/deux-personnes-interpellees-apres-les-violences-de-saint-aignan_907677.html
[3] http://www.lemonde.fr/societe/article/2010/07/21/gens-du-voyage-les-amalgames-du-gouvernement_1390710_3224.html
[4] http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=518&langId=fr&eventsId=234&furtherEvents=yes
[5] http://fr.wikipedia.org/wiki/Romani
[6] http://fr.wikipedia.org/wiki/Roms
[7] http://www.la-croix.com/Roms-gens-du-voyage-deux-realites-differentes/article/2433361/4076
[8] http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=MOTION&reference=P7-RC-2010-0222&language=FR
[9] http://en.wikipedia.org/wiki/International_Romani_Union
[10] http://www.differences-larevue.org/article-gitans-halte-aux-idees-re-ues-marc-bordigoni-cnrs-50017556.html
[11] http://www.differences-larevue.org/ext/http:/idemec.univ-provence.fr/
[12] http://www.fnasat.asso.fr/
[13] http://www.etudestsiganes.asso.fr/
[14] http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000005629609&dateTexte=20100722
[15] http://combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/2008/09/19/les-roms-ont-fait-lobjet-dun-fichier-edvige-appele-carnet-anthropometrique-de-1912-a-1969
[16] http://barthes.ens.fr/clio/revues/AHI/articles/preprints/asseo.html
[17] http://aphgcaen.free.fr/cercle/tsiganes.htm
[18] http://www.ushmm.org/wlc/fr/article.php?ModuleId=75
[19] http://fr.wikipedia.org/wiki/Livret_de_circulation
[20] http://www.liberation.fr/politiques/0101648801-gens-du-voyage-parfois-meme-francais
[21] http://www.blogg.org/blog-77046.html
[22] http://www.lemonde.fr/europe/article/2010/07/26/roms-pierre-lellouche-pour-une-action-au-niveau-europeen_1392340_3214.html#xtor=AL-32280184
[23] http://www.slate.fr/source/gregoire-fleurot
[1] http://www.elysee.fr/president/les-actualites/declarations/2010/declaration-de-m-le-president-de-la-republique.9344.html
[2] http://www.lexpress.fr/actualites/2/deux-personnes-interpellees-apres-les-violences-de-saint-aignan_907677.html
[3] http://www.lemonde.fr/societe/article/2010/07/21/gens-du-voyage-les-amalgames-du-gouvernement_1390710_3224.html
[4] http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=518&langId=fr&eventsId=234&furtherEvents=yes
[5] http://fr.wikipedia.org/wiki/Romani
[6] http://fr.wikipedia.org/wiki/Roms
[7] http://www.la-croix.com/Roms-gens-du-voyage-deux-realites-differentes/article/2433361/4076
[8] http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=MOTION&reference=P7-RC-2010-0222&language=FR
[9] http://en.wikipedia.org/wiki/International_Romani_Union
[10] http://www.differences-larevue.org/article-gitans-halte-aux-idees-re-ues-marc-bordigoni-cnrs-50017556.html
[11] http://www.differences-larevue.org/ext/http:/idemec.univ-provence.fr/
[12] http://www.fnasat.asso.fr/
[13] http://www.etudestsiganes.asso.fr/
[14] http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000005629609&dateTexte=20100722
[15] http://combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/2008/09/19/les-roms-ont-fait-lobjet-dun-fichier-edvige-appele-carnet-anthropometrique-de-1912-a-1969
[16] http://barthes.ens.fr/clio/revues/AHI/articles/preprints/asseo.html
[17] http://aphgcaen.free.fr/cercle/tsiganes.htm
[18] http://www.ushmm.org/wlc/fr/article.php?ModuleId=75
[19] http://fr.wikipedia.org/wiki/Livret_de_circulation
[20] http://www.liberation.fr/politiques/0101648801-gens-du-voyage-parfois-meme-francais
[21] http://www.blogg.org/blog-77046.html
[22] http://www.lemonde.fr/europe/article/2010/07/26/roms-pierre-lellouche-pour-une-action-au-niveau-europeen_1392340_3214.html#xtor=AL-32280184
[23] http://www.slate.fr/source/gregoire-fleurot
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire